Le Tunisien Mahmoud Gafsia présente à Paris, dans le cadre de l’exposition » Ecritures « , son travail sur l’abstraction calligraphique. Il est le seul en Tunisie à utiliser l’écriture populaire, calligraphie très compliquée mais tellement belle.
Mahmoud Gafsia préfère laisser parler ses oeuvres. » J’ai du mal à expliquer ce que je fais « , s’excuse-t-il. Pourtant, sa technique, très particulière, attire le regard. Le Tunisien expose en ce moment, aux côtés d’autres artistes, quelque-uns de ses tableaux à Paris. Discret et modeste, il devient plus loquace lorsqu’il s’agit d’évoquer la lettre et l’écriture arabes qui se trouvent au coeur de sa réflexion artistique.
» L’écriture est le genre de communication la plus indispensable « , explique-t-il. » On écrit pour laisser des traces. C’est pourquoi je m’intéresse à tous les vieux papiers qui résument notre mémoire, notre histoire, comme les contrats de vente ou de mariage. Ces derniers ont été rédigés par des gens qui savaient écrire, c’est-à-dire qui transmettent un message et le présentent bien. Ils essayaient d’acquérir la plus belle écriture et l’on découvre sur ces papiers la magnifique structure de la lettre arabe. »
Calligraphie populaire
Mahmoud travaille donc sur la calligraphie. Mais ce qu’il écrit ne veut rien dire. » Les gens qui lisent l’arabe tentent de déchiffrer mes tableaux mais ce que j’écris n’est pas un texte car ce qui m’intéresse, c’est la beauté de l’écriture « , insiste-t-il. Comparant l’ensemble d’un texte à une musique, Mahmoud insiste sur la jouissance que l’écriture procure. Jonglant avec les formats, il utilise une forme de calligraphie particulière : la calligraphie populaire.
» Je suis le seul en Tunisie à l’utiliser « , souligne-t-il. » C’est une écriture tellement compliquée que les Beaux-Arts de Tunis ont renoncé à l’enseigner. Elle est difficile car chaque lettre a son mouvement « . Sur les actes notariaux qu’il récupère, Mahmoud tombe parfois sur des signatures qui le chavirent tellement qu’il tente de les reproduire. Dessin à l’appui, il explique : » Cette signature de notaire, on ne peut pas la falsifier car elle a un mouvement particulier, des caractéristiques précises. C’est un très bon élément plastique que j’ai transformé en broche en or « .
Si on écrit pas on ne pense pas
Travailler sur de vieux textes permet aussi à Mahmoud de s’inscrire dans un mouvement de conservation du patrimoine et de la culture de l’écrit : » Ces professeurs ou notaires n’étaient pas des artistes mais avaient une très belle écriture. Aujourd’hui, l’écrit décline. Avec l’arrivée de l’ordinateur, les enfants n’écrivent plus. » Mahmoud, lui, aime le son du stylo qui glisse sur le papier, il aime raturer, toucher la feuille, la froisser, la déchirer. » Si on écrit pas on ne pense pas « , assène Mahmoud. Avant de préciser : » Enfin, c’est très personnel ! »
Autodidacte car » les Beaux-Arts produisent peut-être des dessinateurs mais pas des artistes « , il explore les méandres de l’abstraction calligraphique dans son atelier de Monastir en Tunisie. Membre de l’Union des plasticiens tunisiens, il expose dans ce cadre plusieurs fois par an. Sa production, il n’arrive pas à en vivre (il est notamment animateur-producteur à la radio de Monastir d’une émission sur les arts plastiques et d’une autre pour les enfants) est limitée : entre trente et cinquante tableaux annuels. » J’en vends vingt-cinq en moyenne. J’en offre et surtout j’en garde cinq-six pour mon petit garçon Ibrahim. » Une façon de transmettre ce patrimoine calligraphique.
Les oeuvres de Mahmoud Gafsia sont présentées à Paris dans le cadre de l’exposition » Ecritures » du 31 décembre 2001 au 12 janvier 2002, de 14 h à 19 h 00.
Communic’Art – Galerie Jardin
18 rue de Gergovie 75014 Paris