C’est une belle victoire pour Souleymane, alias Abou Sangaré. Ce jeune Guinéen de 23 ans, après avoir conquis le Festival de Cannes, voit son parcours de vie bouleversé par l’obtention d’un titre de séjour en France. En situation irrégulière depuis six ans à Amiens, il s’est vu délivrer, mercredi 8 janvier, un titre de séjour d’un an en tant que salarié. Ce succès administratif marque une étape essentielle pour celui qui, en mai dernier, captivait le public dans L’Histoire de Souleymane, un film poignant de Boris Lojkine primé à Cannes.
Dans L’Histoire de Souleymane, Abou incarne un réfugié guinéen livrant des repas à vélo dans Paris, tout en préparant son entretien crucial avec l’OFPRA pour obtenir le statut de réfugié. Ce rôle résonne particulièrement avec sa propre histoire : trois refus de régularisation, une obligation de quitter le territoire validée en juillet dernier, et un combat acharné pour rester en France.
Le personnage de Souleymane, avec son quotidien fait de précarité et d’espoir, devient un miroir de la réalité. À travers une caméra immersive, Boris Lojkine dépeint une société où les plus vulnérables se débattent dans un système complexe et souvent injuste. Cette authenticité, doublée de l’interprétation saisissante d’Abou Sangaré, a valu au film le Prix du Jury et le Prix d’interprétation masculine dans la catégorie Un Certain Regard à Cannes.
un parcours administratif et artistique hors norme
La récente régularisation d’Abou Sangaré est le fruit d’un long combat. Grâce à une promesse d’embauche comme mécanicien dans un garage de Longueau, il a pu bénéficier de la circulaire Valls de 2012 sur la régularisation par le travail. Une victoire obtenue avec l’aide de son avocate, Claire Perinaud, qui voit en ce titre de séjour d’un an une première étape vers une stabilisation durable.
Sur le plan artistique, cette reconnaissance administrative vient couronner une année exceptionnelle pour Abou. Sa performance dans L’Histoire de Souleymane a ému les spectateurs et la critique, qui saluent son authenticité et son courage. Non professionnel, Abou a été repéré lors d’un casting sauvage à Amiens, un choix audacieux qui s’est révélé payant pour Boris Lojkine.
Boris Lojkine : chroniqueur des invisibles
Réalisateur venu du documentaire, Boris Lojkine s’impose comme un observateur attentif de notre époque. Après Hope, qui retraçait le périple des migrants africains, L’Histoire de Souleymane poursuit cette exploration des marges avec une esthétique réaliste et épurée. À travers Souleymane, il dresse le portrait d’un prolétariat moderne, exploité et invisible.
Le film montre sans juger, laissant le spectateur face à la complexité des mécanismes sociaux et politiques qui broient les individus. Cette approche, doublée d’une maîtrise narrative inspirée de la tragédie grecque, confère à L’Histoire de Souleymane une puissance rare.
Le parcours d’Abou Sangaré, mêlant art et réalité, éclaire la condition des réfugiés et pose des questions fondamentales sur l’accueil et l’intégration en France. L’obtention de son titre de séjour symbolise une petite victoire dans un système souvent hostile. Mais aujourd’hui, enfin, l’avenir semble prometteur pour Abou.