La Belgique face à son passé colonial : cinq femmes métisses réclament justice dans un procès historique


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Drapeau de la République Démocratique du Congo
Drapeau de la République Démocratique du Congo

À Bruxelles, un procès en appel historique voit cinq femmes métisses, victimes des politiques coloniales belges, réclamer justice pour crimes contre l’humanité.

Le procès en appel d’un groupe de cinq femmes métisses, nées sous la colonisation belge au Congo, s’ouvre ce lundi à Bruxelles. Ces femmes, âgées aujourd’hui de plus de 70 ans, accusent l’État belge de crimes contre l’humanité pour avoir orchestré une politique de ségrégation et d’enlèvement forcé des enfants métis entre 1948 et 1961. Alors que l’État avait présenté des excuses en 2019, la justice se penche à nouveau sur cette douloureuse page de l’histoire coloniale.

Un système raciste institutionnalisé

Entre 1908 et 1960, le Congo belge était le théâtre d’une politique raciale brutale. Les enfants métis, nés de l’union d’un père belge et d’une mère congolaise, étaient arrachés à leur famille, souvent sans consentement, et placés dans des orphelinats. Cette politique avait pour but de les soustraire à leurs origines africaines et de les élever selon des normes européennes, dans un système qui les marginalisait à la fois de la société africaine et coloniale.

Cinq femmes, Léa Tavares Mujinga et ses consœurs, nées entre 1946 et 1950, racontent avoir été victimes de cette politique. Arrachées à leurs mères, elles ont grandi dans des missions catholiques où elles ont été séparées de leur identité, privées de leurs racines et écartées de toute possibilité de réunification familiale. Aujourd’hui, elles demandent réparation pour ces années de souffrance, ainsi que la reconnaissance du crime contre l’humanité que représente ce système.

L’État belge face à ses responsabilités

En première instance, en 2021, la justice belge avait rejeté la plainte, arguant qu’à l’époque des faits, le crime contre l’humanité tel que défini aujourd’hui n’existait pas encore. Pourtant, les avocats des plaignantes estiment que la jurisprudence de Nuremberg, postérieure à la Seconde Guerre mondiale, reconnaissait déjà le déplacement forcé d’enfants comme un crime contre l’humanité, à l’image des enlèvements germano-polonais perpétrés par le régime nazi.

Les plaignantes ne demandent pas seulement des indemnisations, mais aussi l’accès aux archives concernant leurs origines. L’État belge avait, dans le cadre de sa colonisation, mené une politique active pour dissimuler ces enfants métis et les rendre « invisibles », afin de protéger l’idéologie de supériorité raciale qui soutenait le régime colonial. Aujourd’hui, elles veulent retrouver leur histoire et rétablir leur identité.

Le poids des excuses sans réparation

En 2019, Charles Michel, alors Premier ministre belge, avait publiquement présenté des excuses pour les violences subies par les enfants métis sous la colonisation. Cependant, ces excuses n’ont été suivies d’aucune loi de réparation. La justice belge se retrouve aujourd’hui face à un dilemme : faut-il reconnaître ce crime historique et offrir des réparations, ou suivre la voie du tribunal de première instance, qui avait jugé ces faits inapplicables à l’époque ?

Le procès en appel, qui se tient ce lundi à Bruxelles, est crucial pour les plaignantes, mais aussi pour l’histoire des relations belgo-congolaises. Il interroge non seulement la responsabilité de l’État belge dans ses anciennes colonies, mais aussi le traitement réservé aux enfants issus de ces unions mixtes, victimes d’un système raciste. Ce procès pourrait marquer un tournant dans la reconnaissance des crimes coloniaux et ouvrir la voie à une justice longtemps attendue.

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