La Belgique condamnée pour les enlèvements d’enfants métis au Congo colonial


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Drapeau de la Belgique
Drapeau de la Belgique

La Belgique a été condamnée pour les enlèvements d’enfants métis au Congo pendant la période coloniale, une pratique qualifiée de « crime contre l’humanité ». Après des décennies de silence, la Cour d’appel de Bruxelles a enfin reconnu les souffrances infligées à ces enfants arrachés à leurs familles pour des raisons raciales. Ce verdict symbolique marque un pas vers la réparation, bien que de nombreuses questions demeurent.

Le 2 décembre, la Cour d’appel de Bruxelles a rendu un jugement qui marquera l’histoire. L’État belge a été reconnu coupable de traitements inhumains infligés aux enfants métis sous l’ère coloniale au Congo. Cette décision intervient après des décennies de silence et d’impunité, apportant enfin une reconnaissance légale des souffrances de milliers d’enfants arrachés à leurs familles pour des raisons purement raciales.

Une pratique coloniale institutionnalisée

Entre 14 000 et 20 000 enfants métis, fruits de relations entre hommes blancs et femmes noires dans les colonies belges (Congo, Rwanda, Burundi), ont été enlevés à leur mère africaine. Ces enfants, qualifiés de « non désirés » par le système colonial, étaient placés dans des institutions religieuses. La plupart ne connaissaient jamais leur père européen, ni ne retrouvaient leur famille maternelle. Cette pratique, qualifiée par la cour de « crime contre l’humanité », s’inscrivait dans une politique de ségrégation raciale visant à effacer toute identité mixte.

Cinq femmes, des décennies de lutte

Léa, Monique, Noëlle, Simone et Marie-José, aujourd’hui septuagénaires, ont été les figures centrales de ce procès. Ces femmes ont raconté leur enfance marquée par des séparations brutales, des conditions de vie difficiles dans les institutions religieuses et une privation totale de leurs racines culturelles et familiales.

En 2020, elles ont intentionné une action en justice contre l’État belge, réclamant des réparations pour ces injustices. En première instance, le tribunal avait jugé les faits prescrits. Mais la Cour d’appel a souligné que les crimes contre l’humanité ne peuvent être prescrits, citant des principes établis après la Seconde Guerre mondiale.

Une condamnation aux multiples implications

La décision de la cour établit non seulement que les faits constituant un crime contre l’humanité, mais souligne également que ces enlèvements étaient motivés par des critères raciaux. Chaque plaignante reçoit 50 000 euros d’indemnisation, une somme symbolique en ce qui concerne les souffrances endurées, mais porteuse d’une reconnaissance morale essentielle.

Cette condamnation repose sur des comparaisons juridiques avec les procès de Nuremberg et d’autres cas historiques, établissant un précédent juridique majeur pour les crimes coloniaux.

Une reconnaissance tardive, mais incomplète

En 2019, le gouvernement belge avait présenté des excuses officielles pour les injustices infligées aux métis des colonies, évoquant des « pertes d’identité » et des « séparations forcées ». Cependant, ces paroles n’avaient pas suffi aux victimes, qui dénonçaient l’absence de mesures concrètes.

Ce verdict constitue donc une victoire partielle : il reconnaît les torts de l’État belge, mais il met également en lumière les limites de l’engagement politique pour réparer les injustices coloniales. Les associations de défense des droits des descendants des colonies réclament toujours une loi de réparation à l’échelle nationale.

Un rappel des blessures du passé colonial

L’affaire des enfants métis est un chapitre douloureux, mais représentatif, du passé colonial belge. Pendant plus de 50 ans, le Congo a été le théâtre d’exploitations brutales, d’inégalités raciales et de politiques visant à déshumaniser une partie de sa population.

Ce jugement pose une question essentielle : comment les anciennes puissances coloniales doivent-elles gérer l’héritage de ces crimes ? La reconnaissance légale est un premier pas, mais elle doit être suivie d’un dialogue sincère et d’actions concrètes pour apaiser les blessures encore ouvertes.

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