Les viols systématiques contre les femmes en République démocratique du Congo (RDC). Le sida. Tels sont les sujets qu’abordent sans tabou le dessinateur congolais Alix Fuilu dans sa dernière bande-dessinée : Sur les Berges du Fleuve Congo.
Vêtues de leurs pagnes colorés, Massika et Modi sont très préoccupées par le drame qui est arrivée à Ma’Dembo. Les deux jeunes femmes qui discutent, en pillant, dans un village de la République démocratique du Congo (RDC), craignent que leur amie, victime d’un viol, soit contaminée par le virus du sida. Il s’agit de la première scène de la bande-dessinée : Sur les berges du fleuve Congo, réalisée par le Congolais Alix Fuilu, en collaboration avec Willy Zekid et Alain Kojele.
Dans cet album, les auteurs ne racontent pas des histoires. Loin de là. C’est bien la sombre réalité qu’ils illustrent. Dans l’est de la RDC, occupés par une centaine de groupes armés, les viols à l’encontre des femmes sont massifs et systématiques. Elles sont nombreuses à avoir eu la même conversation que Massika et Modi sur la question, qui reste encore taboue.
Alix Fuilu, directeur artistique de la BD, s’est inspiré de l’histoire de sa propre amie, également victime de viol dans le pays. L’objectif du dessinateur, contacté par Afrik.com, est « de montrer les conséquences du viol sur la femme, qui peut contracter une grossesse ou le virus du sida ».
500 000 morts dans le conflit en RDC
Ce n’est pas la première fois qu’Alix Fuilu aborde la question dans une bande dessinée. En 2009, il a publié Vies volées, qui racontait aussi les souffrances des femmes abusées dans son pays d’origine. « L’histoire de mon amie victime de viol m’a révolté ! Je me suis dit que c’est inadmissible que personne ne parle du conflit qui perdure dans l’est de la RDC, qui a déjà fait 500 000 morts. Les femmes en sont les principales victimes ! », fustige-t-il.
La BD, qui peine à se faire une place en Afrique, en raison du manque de moyens, permet selon l’artiste congolais de sensibiliser sur les problèmes qui minent le continent. Raison pour laquelle il a fondé en 2002 l’association Afro-Bulles. L’occasion aussi de mettre en lumière la production africaine.
A ce jour, Afro-Bulles a déjà publié six albums. Le projet a porté ses fruits. Après des années de dur labeur, Alix Fuilu a atteint ses objectifs : attirer l’attention sur les fléaux qui minent son pays. « Suite à la publication de Vies volées, nous avons organisé plusieurs conférences sur la question. Puis les choses se sont accélérées. De nombreux médias français, tels que Paris March ou encore Marianne, se sont rendus dans l’est de la RDC pour faire des reportages », raconte-t-il.
La vérité sur les tirailleurs sénégalais
La RDC n’est pas le seul centre d’intérêt d’Alix Fuilu. Le dessinateur congolais vogue déjà sur de nouveaux horizons. Il travaille actuellement sur une nouvelle bande dessinée, qui illustrera cette fois-ci le combat des tirailleurs sénégalais, qui ont participé à la libération de la France, durant la deuxième guerre mondiale. Ces anciens combattants n’ont jamais été indemnisés, contrairement à leurs frères d’armes français. Aujourd’hui encore, le sujet reste tabou. Même si l’ex-président français Jacques Chirac a effectué un pas en avant sur cet épineux dossier, suite à la diffusion du film : Indigènes.
« Il est temps de déterrer cette page de l’histoire beaucoup trop longtemps enfoui », selon le dessinateur congolais, toujours dans l’objectif de sensibiliser sur les problèmes du continent laissés à l’abandon.