« La banane plantain nourrit son homme »


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La banane plantain est à l’honneur au Comice agro-pastoral d’Ebolowa qui se tient jusqu’au 22 janvier. Un vaste espace est réservé aux producteurs du Cameroun. Parmi eux, Guy Albert Ngoa, un jeune agriculteur de l’est du pays, président de Jeunesse agricole pour la lutte contre la pauvreté de Bayong (JALCOPBA).

Très consommée au Cameroun, la banane plantain est la deuxième culture commercialisée sur le plan national après la pomme de terre. Fin 2008, les autorités lançaient le Programme de reconversion économique de la filière banane plantain (PREBAP), grâce auquel le seuil des 1,4 millions de tonnes produites devait être franchi et atteindre quatre millions dans les six prochaines années. L’ambition du gouvernement était d’en faire un aliment de substitution au riz et au blé importés, au Cameroun et dans la sous-région, en accompagnant la hausse de cette production et en mettant un accent particulier sur la transformation et la distribution. Mais nombre d’efforts restent à faire pour atteindre ces objectifs. Et les petits et moyens producteurs, qui devraient être à la base de cette expansion, ont toujours le sentiment qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Guy Albert Ngoa, 32 ans, est l’un d’entre eux. Après avoir loué ses bras dans des plantations de banane plantain, d’ananas et de palmier à huile à travers tout le pays, il s’est installé à son compte, en 2008, à Bayong, un village de l’Est, d’environ 1300 personnes d’où il est originaire. Ce père de trois enfants, fils d’agriculteur, formé sur le terrain, est à la tête d’une exploitation de 20 ha. Il est aussi président de l’association JALCOPBA (Jeunesse agricole pour la lutte contre la pauvreté de Bayong), créée en 2008 par cinq couples d’agriculteurs. Il a été sélectionné par le Comité d’organisation du comice agro-pastoral d’Ebolowa, parce qu’il a fait partie des meilleurs petits producteurs de sa région en 2009 et 2010. Il nous a accordé un entretien.

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Afrik.com : Vous avez été sélectionné pour participer au comice agro-pastoral d’Ebolowa. Que pensez-vous de cet événement et que pouvez-vous en tirer ?

Guy Albert Ngoa :
Le comice, pour nous, c’est la tribune par excellence. Il nous permet de nous mesurer aux autres, de découvrir nos limites pour repartir sur de bonnes bases. Il nous fait comprendre que chacun de nous, par son travail, peut améliorer ses conditions de vie. Nous avons rencontré des gens qui nous ont montré comment, à partir de rien, ils sont devenus quelqu’un. Pour moi, le comice est un événement exceptionnel. Tout ce que je voulais y voir, je l’ai. L’essentiel est assuré. Pour une fois, je crois qu’il faut tirer notre chapeau à l’organisation.

Afrik.com : Vous êtes le président de JALCOPBA. Quels sont les objectifs de cette association ?

Guy Albert Ngoa :
Le premier est de lutter contre la pauvreté des jeunes. Et le meilleur moyen, c’est d’aller aux champs. L’avantage que nous avons dans notre association, c’est que tous les membres ont une expérience à l’extérieur de Bayong. Donc nous nous sommes regroupés pour partager ces expériences et essayer de faire mieux. Nous avons constaté que nos conditions de vie sont très compliquées à cause de l’immobilisme d’une certaine catégorie de personnes.

Afrik.com : De quelles personnes parlez-vous ? Des politiques?

Guy Albert Ngoa :
Vous lisez dans mes pensées…

Afrik.com : Avez-vous du mal à écouler votre production ?

Guy Albert Ngoa :
Sur le marché local, nous n’avons pas de souci de commercialisation, mais plutôt un souci de production. Nous avons des difficultés à atteindre le tonnage que nous souhaitons réaliser. Nous n’avons pas accès aux intrants. Nous sommes en guerre sans armes.

Afrik.com : Pourtant, l’agriculture camerounaise est subventionnée. Des programmes sont mis en place. Ne bénéficiez-vous pas de ces aides ?

Guy Albert Ngoa :
Pour le moment, ce sont des choses que nous entendons dans les discours. Nous ne savons pas à qui va l’argent. Nous nous battons tous seuls. Nous espérons qu’après les annonces fortes du chef de l’Etat (au Comice agro-pastoral d’Ebolowa, ndlr), les choses iront mieux.

Afrik.com : Pourquoi, lorsque vous vous êtes mis à votre compte, avez-vous choisi de cultiver la banane plantain ? C’est une culture qui rapporte beaucoup ?

Guy Albert Ngoa :
Je me suis mis à mon compte, parce que je me suis dit que j’avais un rôle à jouer. Je voulais retourner au village et mettre mes connaissances à la disposition de mes frères. J’ai fait le choix de la banane plantain parce qu’elle est facilement accessible. On peut facilement cultiver un champ à partir de rien. Et elle n’exige pas trop de fonds au départ. J’ai 10 ha de bananiers plantés en production, et 10 ha en extension. Mon objectif est d’atteindre 20 ha en production. La production mensuelle, surtout lorsqu’on travaille comme nous de manière traditionnelle, sans machines ni engrais, est de trois tonnes. La banane plantain nourrit vraiment son homme, d’autant plus que maintenant le prix de la tonne varie entre 150 000 et 200 000 FCFA. Ce qui nous fait 600 000 FCFA par mois, soit environ 100 000 FCFA par personnes, puisque nous sommes cinq à travailler sur l’exploitation. Si nous améliorons nos conditions de travail, nous pourrons doubler voire tripler ce chiffre. C’est à notre portée.

Afrik.com : Selon vous, l’agriculture a-t-elle un avenir au Cameroun ?

Guy Albert Ngoa :
L’agriculture a un bel avenir, à condition que ses acteurs soient confiants, qu’ils croient en leurs chances. Car le développement de ce secteur dépend d’abord de nous-mêmes. Il faut se faire confiance avant de tendre la main. L’agriculture représente un bon espoir pour le Cameroun.

Afrik.com : Suffisamment d’espoir pour encourager vos enfants à faire ce métier ?

Guy Albert Ngoa :
Pour moi, l’agriculture est un métier béni des dieux. Mais l’essentiel pour moi est que mes enfants soient bien formés, tant sur le plan académique que moral. Si j’avais un métier à leur conseiller, ce serait l’agriculture. Mais pas à mon échelle, à un niveau bien supérieur !

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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