
Une invasion acridienne se profile aux frontières algéro-tunisiennes, réactivant la lutte contre un des plus anciens fléaux agricoles de l’histoire. Les premiers essaims de criquets pèlerins ont traversé la frontière libyenne, poussant les autorités algériennes et tunisiennes à déployer d’urgence des dispositifs préventifs coordonnés. Si la menace n’est pas encore critique pour les cultures, l’expérience des invasions passées incite à une vigilance maximale face à cet insecte capable de détruire des milliers d’hectares en quelques heures.
Cette année, une nouvelle menace acridienne plane sur le Maghreb. Le criquet pèlerin, historiquement identifié comme l’une des pires calamités agricoles, s’introduit actuellement dans les régions frontalières de l’Algérie et de la Tunisie depuis la Libye. Selon le quotidien algérien El Moudjahid, de petits essaims ont été repérés du côté de Hassi Messaoud dans la wilaya de Ouargla, après avoir traversé la frontière algéro-libyenne. Bien que ne présentant pas encore un risque immédiat pour l’agriculture, ces premiers groupes de criquets sont surveillés avec une attention particulière, afin d’éviter une prolifération potentiellement dévastatrice.
Un fléau millénaire qui menace à nouveau
Le criquet pèlerin (Schistocerca gregaria) est considéré comme l’un des insectes ravageurs les plus destructeurs de la planète. Mentionné dans de nombreux textes anciens, notamment dans la Bible comme « la 8e plaie d’Égypte« , ce fléau a jalonné l’histoire de l’humanité depuis des millénaires. En phase grégaire, lorsque les individus se rassemblent en essaims, un seul kilomètre carré d’insectes peut contenir entre 40 et 80 millions de criquets, capables de consommer l’équivalent de la nourriture de 35 000 personnes en une journée. Ces nuées peuvent parcourir jusqu’à 150 km quotidiennement, dévastant systématiquement les cultures et pâturages sur leur passage.
La région du Maghreb a déjà connu plusieurs invasions majeures au cours des dernières décennies, notamment en 1988, 2004 et 2012, entraînant des pertes agricoles considérables chiffrées en millions de dollars.
Une mobilisation régionale sans précédent
Face à ce risque imminent, l’Algérie a lancé un dispositif préventif renforcé. Selon le ministre algérien de l’Agriculture, Youcef Cherfa, cité par Le Matin d’Algérie, une première réunion du comité multisectoriel chargé de la lutte contre le criquet pèlerin s’est tenue dès le jeudi 13 mars 2025. Cette initiative vise à coordonner les efforts impliquant plusieurs ministères et services, notamment la Défense, l’Intérieur, et les services météorologiques et environnementaux. L’objectif est clair : surveiller étroitement l’évolution de la menace acridienne et intervenir rapidement pour éviter des dégâts agricoles considérables.
La Tunisie n’est pas en reste dans cette bataille préventive. Le ministère de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche, comme le rapporte la RTCI, a annoncé la mise en place immédiate d’une ligne de défense dans les zones frontalières du sud, notamment à Tataouine, Médenine, Gabès, Tozeur, Kébili et Gafsa. Cette action fait suite à l’entrée récente de criquets sahariens dans la région de Dhehiba en provenance de Libye. Un stock stratégique d’insecticides a été constitué, et les équipes régionales ont été mobilisées afin d’éradiquer les foyers de grégarisation avant qu’ils ne prennent de l’ampleur.
Une stratégie de vigilance et d’intervention précoce
Selon Maroc Diplomatique, les autorités tunisiennes demeurent en « état de vigilance », surveillant attentivement l’évolution des essaims repérés dans les régions frontalières du sud, portés par les vents provenant du sud. Si actuellement aucune menace majeure ne pèse sur le couvert végétal local, les experts restent prudents et préparent les équipes techniques à une éventuelle aggravation.
Cette situation rappelle l’importance des systèmes d’alerte précoce développés par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) à travers son Service d’information sur le criquet pèlerin. Ces dispositifs permettent aujourd’hui de suivre en temps réel les mouvements des essaims et d’intervenir avant que la situation ne devienne critique. En effet, l’histoire rappelle que seule une prévention rigoureuse et une intervention rapide peuvent contenir l’invasion des criquets, un fléau aussi ancien que redoutable, dont les conséquences économiques et sociales peuvent être dramatiques pour les populations concernées.