Une crise violente secoue l’école nigérienne. Depuis les émeutes de février, l’Université de Niamey est toujours sous tension. Avec une année blanche qui se profile à l’horizon pour les étudiants.
Jets de pierres, gaz lacrymogènes, cocktails Molotov… le campus de l’Université Abdou Moumouni de Niamey est en ébullition. Nous sommes le 21 février 2001 et la crise couve depuis déjà quelques mois. Voire des années. Jeudi au matin, les étudiants, au comble de l’exaspération, programment une manifestation. Ils entament la marche et rencontrent les forces de l’ordre aux environs du Pont Kennedy. Les échauffourées dégénèrent. Bilan : un mort chez les gendarmes, une cinquantaine de blessés des deux côtés et quinze étudiants arrêtés.
Un mois plus tard, les étudiants sont encore très agités et réclament notamment le paiement d’arriérés de bourses et d’allocations, l’amélioration de leurs conditions d’études et le recrutement d’enseignants à l’Université. Ils protestent contre la réduction de l’enveloppe des bourses qui passe de 4,5 milliards à 2,5 milliards de FCFA.
» Quinze étudiants dont trois filles sont toujours en détention. Leur jugement pour coups et blessures sur les forces de l’ordre, prévu pour le 8 mars, est reporté au 30 de ce mois « , note le docteur Badié Hima, vice-président de l’Association nigérienne pour la défense des droits de l’homme (ANDDH) qui suit de très près le dossier.
Chasse aux sorcières
L’Université est ouverte mais déserte. Le restaurant universitaire, fermé depuis février, a été réouvert lundi mais » personne n’y va car il y a une véritable chasse aux sorcières. Les étudiants ont peur d’aller manger. Ils peuvent se faire interpeller à n’importe quel moment car la police cherche encore les meneurs des émeutes « , constate le docteur. Des pelotons de gendarmerie veillent. Ambiance. Chaque matin depuis un mois, les bus scolaires font leur ronde à vide.
La situation s’est cristallisée le 23 février alors qu’une série de mesures a été annoncée par le gouvernement à la suite des événements : la privatisation du restaurant universitaire, la fermeture de la cité universitaire, la transformation des logements étudiants en salles de cours et infrastructures administratives.
La société civile s’est organisée pour trouver une solution à la crise scolaire. La Coordination des Forces Démocratiques a exigé lundi dernier la tenue de négociations avec les étudiants et l’ANDDH a lancé un appel au calme et au dialogue. » Les étudiants sont très énervés. Ils acceptent la négociation mais dans certaines limites. Si la police n’arrête pas les arrestations et les séquestrations, nous ne savons pas de quoi ils sont capables « , analyse le docteur Badié Hima. L’Association a offert sa médiation au ministère » mais elle n’a pas été entendue « .
Année blanche
Le gouvernement préfère envoyer ses ministres en province, lieu de naissance de 90% des étudiants, afin d’expliquer la crise scolaire aux populations et mettre en avant ses efforts pour mettre les étudiants dans de meilleures conditions d’études.
» C’est une école marquée par le sceau de l’instabilité chronique avec pour conséquence une dégradation continue du niveau de l’enseignement, une dévalorisation des diplômes, une succession d’années blanches, une transformation de l’Université en véritable centre de déstabilisation de l’Etat « , a ainsi déclaré le ministre du Développement rural à Tillabéry (130 kms à l’ouest de Niamey).
Encore deux semaines de ce régime et l’année scolaire sera déclarée blanche. Pour sauver ce qu’il en reste, l’ANDDH a rendez-vous avec le ministère ce mercredi soir. Avec l’espoir de dénouer cette crise. Pour l’heure, le téléphone du ministère sonne dans le vide, celui de l’Université a été coupé et les étudiants sont dans la nature.