Après les affrontements entre policiers et étudiants qui ont fait trois morts jeudi dernier, le gouvernement congolais a décidé la fermeture de l’université de Kinshasa jusqu’à nouvel ordre. Retour sur ces évènements tragiques.
De notre correspondant à Kinshasa
Le gouvernement congolais a annoncé, jeudi dernier dans la soirée, la fermeture de l’université de Kinshasa, suite à une journée d’une rare violence sur le campus de l’université. Les étudiants, qui revendiquaient contre le taux, jugé trop élevé, des frais scolaires, se préparaient à manifester contre la présence musclée à la fois des éléments de la police nationale et de l’armée sur le campus quand les affrontements ont commencé.
En fait, le campus était déjà ceinturé depuis les premières heures de la journée par deux cordons de sécurité. Tout s’est bien passé jusqu’à l’arrivée, en début d’après-midi, du ministre de l’Education nationale, Omer Kutumisa, accompagné du gouverneur de la ville de Kinshasa, Loka ne Kongo. Les deux personnalités étaient venues pour tenter de calmer la colère des étudiants et de les convaincre de l’impossibilité de réduire le taux des frais scolaires. Les étudiants ont bousculé les autorités. Ce qui a déclenché l’intervention de la police et une réaction généralisée des étudiants. Le bilan est de trois morts, trois policiers.
Le prix des études
Déjà, la veille, des rumeurs sur une fronde des étudiants avaient circulé dans toute la ville de Kinshasa. A l’origine, une mesure gouvernementale, il y a dix jours, de réduire les frais de scolarité à l’université de Lubumbashi, dans la province du Katanga. Le gouvernement avait dû prendre une telle mesure suite aux revendications des étudiants contre une révision à la hausse du taux de scolarité. L’armée était intervenue et avait même tiré sur les manifestants à balles réelles. La presse congolaise et étrangère avait annoncé trois morts parmi les étudiants mais il s’est avéré, par la suite, qu’il n’y a pas eu de morts mais plutôt beaucoup de blessés dont un, très grave, avait été dépêché en Afrique du Sud pour des soins appropriés.
Selon des nouvelles en provenance de Lubumbashi, la colère des étudiants se justifiait par le fait que l’université avait élevé le taux de scolarité alors qu’un donateur venait de consentir un don de 100 000 dollars américains pour couvrir certains frais, dont la réhabilitation des bâtiments et le renouvellement des équipements des laboratoires. Ce donateur n’est autre que le richissime Katebe Katoto, un homme d’affaires katangais qui vient de faire une irruption fulgurante sur la scène politique congolaise en briguant rien moins que le poste de président de la république.
Ambitions présidentielles et hausse des tarifs
Le gouvernement congolais avait alors donné raison aux étudiants, non seulement, en réduisant le taux de scolarité, mais aussi en suspendant de ses fonctions le recteur de l’université de Lubumbashi. Katebe Katoto n’en est pas à sa première intervention sociale à Lubumbashi. Le pouvoir central, qui a des raisons sérieuses de s’inquiéter de cette opération de charme de cet outsider inattendu, a même arrêté et transféré à Kinshasa certains collaborateurs immédiats de Katebe Katoto.
« Ce n’est pas le gouvernement qui fixe le taux de scolarité des universités et autres instituts supérieurs. Nous avons laissé l’autonomie financière à chaque université qui, selon ses réalités propres, fixe le taux de scolarité, après concertation avec les représentants des étudiants et ceux des professeurs. L’université de Kinshasa est la plus peuplée de toutes les universités du pays avec 4 500 professeurs pour plus 20 000 étudiants. Ceci explique que le taux de scolarité soit plus élevé qu’ailleurs. Non seulement, il faut payer le personnel enseignant et administratif mais il faut également équiper les laboratoires », explique le ministre de l’Education, Omer Kutumisa.
Université en jachère
L’université de Kinshasa ne reçoit pas de subsides de l’Etat congolais pour son fonctionnement. Cette ex-université lovanium, pendant congolais de l’université Catholique de Louvain en Belgique, a été longtemps célèbre dans toute l’Afrique sub-saharienne pour la qualité de ses enseignements et de son accueil. Aujourd’hui, elle est devenue l’ombre d’elle-même. Au point même que son ancien propriétaire, l’Eglise catholique, n’a pas voulu la reprendre, craignant un coût trop élevé de sa réhabilitation. La pelouse est devenue une multitude de petits potagers pour la survie des étudiants.
Le vendredi 14 décembre au matin, le campus était relativement calme. Les dernières nouvelles font état d’un blocus militaire autour de tout le site universitaire. Personne n’entre ni ne sort du campus. L’armée a, par contre, gardé au sol ses chasseurs-bombardiers ainsi que ses hélicoptères de combats qui ont sillonné le ciel de Kinshasa toute la journée du jeudi.