
L’Union Européenne (UE) a annoncé la suspension de ses consultations militaires avec le Rwanda, en réponse à la situation critique en République Démocratique du Congo (RDC), et a demandé à Kigali de retirer ses troupes du territoire congolais. Cette décision a été communiquée par Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion du Conseil des affaires étrangères qui s’est tenue à Bruxelles. En parallèle, Kallas a souligné que l’accord minier entre Bruxelles et Kigali sera réexaminé.
La situation en RDC, marquée par l’intensification des combats dans les provinces du Nord et Sud-Kivu, est jugée très préoccupante par l’UE. Kaja Kallas a exprimé son inquiétude en soulignant que le conflit pourrait se transformer en un conflit régional de grande envergure, mettant ainsi en péril la stabilité de toute la région des Grands Lacs. « L’intégrité territoriale n’est pas négociable, que ce soit en RDC ou en Ukraine. La Charte de l’ONU s’applique de manière égale partout », a-t-elle affirmé.
Des mesures concrètes pour encourager la paix
Cette déclaration survient alors que l’UE soutient activement les processus de paix lancés à Luanda et Nairobi, visant à trouver une solution diplomatique au conflit. L’Union Européenne a indiqué qu’elle met en œuvre plusieurs mesures concrètes pour encourager la désescalade de la violence. En plus de la suspension des consultations militaires, l’UE a exigé le retrait immédiat des troupes rwandaises déployées en RDC et a annoncé la révision de l’accord sur les matières premières critiques conclu entre les deux pays.
Lire : RDC : l’AFC/M23 poursuit son avancée dans le Sud-Kivu, panique à Uvira
Kaja Kallas a précisé que l’UE pourrait également envisager des sanctions en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain. Cette position plus ferme fait suite à une résolution adoptée par le Parlement européen, le 13 février 2024, dans laquelle les eurodéputés ont appelé à la suspension immédiate de l’accord signé entre l’UE et le Rwanda sur les chaînes de valeur des matières premières durables. Les parlementaires ont également demandé aux États membres de geler toute aide budgétaire directe au Rwanda et de suspendre l’assistance militaire et sécuritaire fournie aux forces armées rwandaises, afin d’éviter toute implication dans des opérations militaires illégales dans l’est de la RDC.
L’accord minier entre l’UE et le Rwanda sous pression
L’accord minier entre l’UE et le Rwanda, signé en février 2024, avait pour objectif de renforcer la coopération en matière de développement durable et de chaînes de valeur résilientes pour les matières premières critiques, telles que le tantale, l’étain, le tungstène, l’or et le niobium. Cependant, cet accord a été vivement critiqué, notamment par le Président congolais Félix Tshisekedi, qui l’a qualifié de « condamnable ». Il a notamment dénoncé le fait que le Rwanda profiterait de cette entente pour exporter des ressources minières qu’il n’exploitait pas lui-même, mais qu’il pillait illégalement en RDC, souvent en collaboration avec les rebelles du M23.
Lire : Conflit à l’Est de la RDC : l’ONU met en garde contre le danger d’une guerre régionale
Le M23, un groupe rebelle issu de dissidents de l’armée congolaise, a repris les armes en 2022, occupant plusieurs localités stratégiques dans l’est de la RDC, notamment dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, qui bordent le Rwanda et l’Ouganda. Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir activement le M23 afin d’accéder aux vastes ressources minières de la région. Cette accusation est soutenue par plusieurs rapports des Nations Unies, qui documentent l’implication militaire rwandaise auprès du groupe rebelle. Cependant, le Rwanda rejette fermement ces allégations, qualifiant le M23 de mouvement congolais dirigé par des Congolais, et affirme avoir désarmé les membres du M23 qui s’étaient réfugiés sur son sol avant de les remettre aux autorités congolaises en 2013.
Plus de 500 000 déplacées depuis la fin janvier 2025
Le M23, désormais une force militaire bien organisée, cherche à prendre le contrôle de Goma et Bukavu, deux villes majeures du Kivu. Les combats entre les forces congolaises et les rebelles ont provoqué une véritable tragédie humanitaire, avec plus de 3 000 personnes tuées, près de 3 000 blessées et plus de 500 000 déplacées depuis la fin janvier 2025. L’ONU estime que le nombre total de personnes déplacées à l’intérieur du pays atteint désormais 6,4 millions. En outre, des Casques bleus de la Mission de l’ONU en RDC (MONUSCO) ont également payé un lourd tribut, avec au moins 20 soldats tués, dont 14 Sud-Africains, dans les affrontements entre les rebelles et l’armée congolaise.
Malgré les efforts de médiation menés dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi, aucune avancée significative n’a été réalisée pour résoudre le conflit. Le gouvernement congolais reste ferme dans sa position, rejetant toute négociation avec le M23, qu’il considère comme un groupe terroriste, et exigeant le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais.