L’Union africaine : géant sur le papier, absent sur le terrain ?


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Union Africaine
Union Africaine

Depuis sa création en 2002, l’Union africaine (UA) s’est donnée pour mission de défendre l’unité du continent, promouvoir la paix, garantir les droits de l’homme, et bâtir une Afrique intégrée et prospère. Sur le papier, tout semble en place : des institutions solides, des textes ambitieux, une volonté affichée d’agir pour et par les Africains.

Pourtant, sur le terrain, une autre réalité s’impose : celle d’une organisation souvent silencieuse, parfois paralysée, face aux multiples crises qui secouent le continent. Comment expliquer ce décalage entre les promesses et l’action ? L’UA est-elle aujourd’hui à la hauteur des enjeux africains ?

Une architecture ambitieuse, mais symbolique

L’Union africaine repose sur une architecture institutionnelle impressionnante : une Commission dotée de commissaires spécialisés, un Conseil de paix et de sécurité, un Parlement panafricain, et des mécanismes juridiques comme la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Sur le plan théorique, l’organisation a même franchi un cap symbolique : elle se réserve le droit d’intervenir dans un État membre en cas de génocide ou de crimes graves, une avancée majeure par rapport à l’ancienne OUA (Organisation de l’unité africaine), qui prônait la non-ingérence.

Mais une belle façade ne suffit pas. Ce cadre, aussi bien conçu soit-il, reste souvent déconnecté des réalités politiques, sociales et sécuritaires du continent. L’UA semble parfois plus préoccupée par les sommets et les déclarations que par les actions concrètes.

Des crises majeures, des silences assourdissants

L’Afrique est secouée depuis des décennies par des conflits internes, des coups d’État militaires, des tensions ethniques et des drames humanitaires. Mais que fait l’Union africaine ?

Au Soudan, la guerre civile entre l’armée régulière et les forces paramilitaires a plongé le pays dans le chaos. L’UA s’est contentée de condamnations molles, sans prendre d’initiative décisive de médiation.

Au Sahel, après une série de coups d’État au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger, l’organisation semble dépassée, oscillant entre suspension symbolique et absence de solutions durables.

En Éthiopie, le conflit au Tigré a fait des dizaines de milliers de morts. L’UA, dont le siège se trouve à Addis-Abeba, a longtemps brillé par son silence, avant une médiation tardive.
Et que dire de la RDC, de la Libye, ou encore de la Centrafrique, où l’insécurité persiste et les efforts de paix restent fragiles ?

Ce mutisme ou cette lenteur d’action soulèvent une question cruciale : l’UA manque-t-elle de moyens ou de volonté politique ?

Un leadership affaibli et des divisions profondes

Plusieurs blocages internes expliquent cette inertie. D’abord, la logique du consensus mou : l’UA évite de sanctionner fermement les dirigeants en place, par peur de diviser ou de froisser les États membres. La solidarité entre chefs d’État prime souvent sur la défense des principes démocratiques.

Ensuite, l’UA reste fortement dépendante du financement extérieur, notamment de l’Union européenne, de la Chine et de diverses agences internationales. Cette dépendance fragilise son autonomie et oriente parfois ses priorités en fonction d’intérêts qui ne sont pas toujours africains.

Enfin, les divisions entre régions, États francophones et anglophones, régimes démocratiques et autocratiques empêchent l’émergence d’une voix unie et forte. Le manque de leadership continental, à l’image d’un Nkrumah ou d’un Mandela, se fait cruellement sentir.

Réformer ou disparaître ?

L’heure n’est pas à l’abandon de l’UA, mais à sa refondation profonde. Si elle veut redevenir un acteur crédible, elle devra :

  • Renforcer son indépendance financière, pour agir sans attendre le feu vert de ses bailleurs de fonds ;
  • Définir des mécanismes de sanction réels, applicables même aux régimes les plus puissants ;
  • Inclure davantage la société civile et la jeunesse, pour faire vivre un panafricanisme populaire et non seulement institutionnel ;
  • S’ouvrir à de nouveaux types de leadership, portés par la compétence, la vision et la proximité avec les peuples.

L’Union africaine est à la croisée des chemins. Soit elle reste une organisation de façade, bonne pour les discours, mais impuissante sur le terrain. Soit elle s’auto-transforme en véritable acteur politique continental, capable de défendre l’Afrique par l’Afrique.

La balle est dans son camp. Et peut-être, demain, dans le nôtre.

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