13or et 16ar forment L’Skadrille. Fort d’une expérience vieille de dix ans dans l’univers musical urbain, ils passent enfin à l’étape du 1er album studio. Issus de parents originaires d’Afrique de l’Ouest, ils n’ont de cesse d’avoir une pensée pour le continent, tout en décrivant la vie des jeunes Français venus d’ailleurs. Une vie difficile, certes, mais parsemée de bons moments.
L’Skadrille est l’un des groupes les plus respectés de sa génération. Il est né de la rencontre en 1996 de 13or et 16ar, deux rappeurs de la région parisienne. En 1998, ils remportent le prix XXL de la meilleure révélation rap de l’année, puis signent sur le label Première Classe, dirigé alors par Neg’Marrons et Pit Baccardi. L’expérience s’avère décevante. Les deux rappeurs quittent le label et prennent en main leur carrière. Plusieurs apparitions discographiques et scéniques plus tard, 13or et 16ar s’attelent à l’élaboration de leur 1er album , Nos Vies, et regardent désormais vers l’avenir en montant leur propre structure, « Skadrille Bizness ». Des thèmes personnels, des visions sociales en passant par des hits rap dancefloor et un poignant message d’amour aux origines, L’Skadrille s’en va-t-en guerre avec toutes les armes et la force de la nouvelle génération du rap français. Interview.
Afrik.com : Votre premier opus vient tout juste de sortir, comment se comporte-t-il dans les bacs ?
L’Skadrille : Nous n’avons pas encore de résultats. Nous sommes dans la phase d’attente. Nos amis nous appellent pour nous féliciter, et cela nous fait très plaisir. Nous attendons de voir comment le disque va se comporter dans les bacs, car c’est une autre bataille qui se livre à ce niveau. Une chose est sûre en ce qui concerne ce premier opus, nous allons le défendre de toutes nos forces.
Afrik.com : Votre album devait sortir le 12 décembre 2005, pourquoi avez-vous repoussé sa sortie ?
L’Skadrille : La sortie de l’album a été repoussée pour des raisons de promotion. Nous avons souhaité faire un clip vidéo avant la sortie de l’album. C’est chose faite à présent. Le clip « Bons moments », en featuring avec le groupe de rap Sniper, est en rotation télé et accessible sur notre site internet. Nous avons voulu avoir des images surtout pour capter l’attention du public. Notre objectif a été de faire en sorte que tous les ingrédients soient réunis afin que l’album puisse avoir sa chance dans les bacs.
Afrik.com : Voilà 10 ans que vous êtes dans l’univers hip hop français, sans album dans les bacs. Est-ce un choix stratégique de votre part ?
L’Skadrille : Sortir un album n’a jamais été une priorité pour nous. Notre devise a toujours consisté à primer le plaisir et la passion. Pendant longtemps, nous nous sommes concentrés sur des compilations, des mixtapes et des concerts. C’est par la force des choses que l’album est sorti. Les choses se sont faites toutes seules. L’ébauche de l’album avait commencé alors que L’Skadrille était signé chez Première Classe. Ensuite, il a fallu prendre le temps de le peaufiner, en changeant quelques idées et en en apportant d’autres. C’est le public et la passion qui nous ont poussé à lancer la machine. Mieux vaut tard que jamais. Tout le monde sait qu’il ne sert à rien de courir.
Afrik.com : Votre album s’intitule « Nos Vies », n’est-ce-pas prétentieux vu vos jeunes âges ?
L’Skadrille : L’album nous ressemble. Il porte sur des thèmes qui nous sont chers. Nous y racontons nos vies, nos états d’âme. Nous parlons de notre carrière musicale, de la vie dans nos pays d’origine, de nos expériences… Dans notre album, il y des morceaux émouvants, des morceaux festifs, et d’autres qui le sont moins. Cet album reflète les différentes facettes de la vie, de nos vies, tout simplement.
Afrik.com : Quelles sont les raisons de votre départ du label Première Classe ?
L’Skadrille : La façon dont travaillait Première Classe ne nous convenait pas. A vrai dire, nous n’avons pas été convaincus. En quatre ans, par exemple, nous n’avons eu l’occasion de sortir qu’un mini-EP et un maxi. C’est vraiment décevant. Les fans n’ont eu de cesse de nous pousser à sortir des projets plus ambitieux. Notre but n’était pas et n’a jamais été d’être des potiches ou de servir de caution à un label, quel qu’il soit. L’Skadrille est un duo de travailleurs. Notre départ de Première Classe ne nous a pas porté préjudice, au contraire, nous avons acquis une expérience colossale. Nous avons appris à nous prendre en main. Grâce à cette expérience, nous avons su comment se gère une structure musicale en indépendant et comment faire en sorte que notre musique soit accessible au plus grand nombre. Aujourd’hui, Dieu merci, nous sommes parvenus à sortir notre premier album, preuve que notre départ de PC (Première Classe, ndlr) n’a pas été une erreur.
Afrik.com : En matière de rap français, aujourd’hui, d’aucuns considèrent qu’il n’y a de vrai qu’un groupe indépendant. Quel est votre point de vue là-dessus ?
L’Skadrille : L’indépendance n’est pas un gage de qualité. Nous nous sommes retrouvés en autoproduction par la force des choses. Même en étant en major compagnie, il est possible de faire de bonnes choses. C’est parce qu’on a eu l’occasion d’engranger des sous après la sortie d’Extazik, notre LP, que l’idée d’investir sur l’album nous est venue. Lorsque l’on est en indépendant, il est possible d’avancer plus rapidement. Les maisons de disques sont soumises à des contraintes, elles ont des priorités, des calendriers à respecter… Tant que chacun gère son produit sans interventions extérieures, l’essence de notre musique demeurera.
Afrik.com : Vous reconnaissez-vous dans l’appelation « rap hardcore » ?
L’Skadrille : Pas spécialement. Cela dépend surtout de notre état d’esprit. Certaines fois nous le sommes, et d’autres pas du tout. Point trop n’en faut. Lorsque l’on écoute certains albums de rap, c’est la guerre de la plage numéro 1 au dernier morceau. Nous sortons souvent, car nous aimons faire la fête en amis. Nous sommes comme tout le monde. Les émeutes, ce n’est pas tous les jours. Contrairement à d’autres, nous avons souhaité être francs envers nous même, savoir parler de nos souvenirs, de ce qui nous a fait, nous fait et nous fera rire. En somme, nous parlons de tout ce qui nous touche. Vivre en banlieue, dans un quartier défavorisé, n’est pas toujours synonyme de tristesse. Bien au contraire. Beaucoup de gens n’ont pas idée du bonheur qu’éprouve un enfant qui vit dans un quartier difficile. La bonne humeur, la chaleur humaine et la joie de vivre ne sont pas l’apanage d’une seule partie de la population française. C’est aussi ça la banlieue. Et on aimerait le faire savoir à ceux qui l’ignorent.
Afrik.com : L’an dernier vous vous êtes rendus au Mali, avec d’autres amis rappeurs, pour une série de concerts. Pouvez-vous partager vos impressions à ce sujet ?
L’Skadrille : Il y a eu un véritable échange avec le public. Nous avons énormément apprécié l’initiative. Sur scène, quand nous parlions bambara, le public n’en revenaient pas. C’était l’occasion pour 13or de prouver à sa famille que le rap était une musique comme les autres. C’est une musique respectable, qui est en mesure de faire vivre son homme. Dans le dernier morceau de l’album, nous faisons une déclaration d’amour à nos pays d’origine respectifs. Nous en avons profité pour rétablir certaines réalités. Notre constat n’est pas forcément joyeux. Notre but était de dire et faire savoir aux jeunes d’ici que le bled n’est pas seulement synonyme de soleil et de plages. Il n’y a pas que la fête, il y a un réel mal de vivre, et la misère n’est pas une invention. Etre en France est une chance, qu’on le veuille ou non. Ici, nous avons plus de chance de nous en sortir. Quitte à faire des ménages, il faut savoir qu’on est logé à meilleure enseigne et qu’il nous est possible d’aider nos familles restées au pays.
Afrik.com : 2006 est une année qui démarre plutôt bien pour L’Skadrille, non ?
L’Skadrille : C’est exact. Nous avons travaillé dur pour. 2006 sera certainement une année phare pour L’Skadrille. En tout cas, Il faut que 2006 soit 2000 Xaalis (argent en wolof). Si Dieu le veut.
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