C’est quelques heures après l’affirmation officielle que « l’ordre [était] rétabli sur l’ensemble du territoire » de la Côte d’Ivoire qu’Abidjan a été, mardi soir, à nouveau la proie d’incidents très graves. L’affrontement politique entre le pouvoir et le RDR déteint désormais sur l’ensemble de la société ivoirienne.
Abidjan s’est littéralement embrasée, mardi soir, alors qu’un incendie « assez grave », selon un pompier cité par l’AFP, se déclarait, en fin de soirée, dans le quartier d’Adjamé au nord de la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Le feu faisait suite au tir de grenades lacrymogènes et d’armes à feu. Quelques heures plus tôt, le ministre de l’Intérieur, Emile Boga Dougou, avait annoncé que « l’ordre [était] rétabli sur l’ensemble du territoire ».
Pendant toute la journée de mardi, des affrontements d’une grande violence se sont poursuivis dans plusieurs quartiers de la ville. Le bilan officiel fait toujours état de 13 morts. L’AFP a interrogé un témoin rapportant avoir vu cinq personnes être tuées devant lui. L’agence Reuters, pour sa part, affirme que vingt personnes au mois seraient mortes dans les combats de rue. Le Rassemblement des républicains (RDR) avance le chiffre d’une trentaine de tués. Le chiffre est repris à son compte par la BBC. La Croix rouge ivoirienne aurait relevé 217 blessés.
Au-delà d’un dénombrement pour l’heure impossible, les observateurs ont été frappés par la généralisation de la violence dans les rues d’Abidjan. Des civils ont été vus se poursuivre armées de machettes, mardi, dans les quartiers d’Abobo et de Yopougon, cependant que l’armée aurait tiré à balles réelles sur les manifestants.
Consensus gravement atteint
L’origine des troubles est la contestation, par le RDR, de la nouvelle invalidation de son président Alassane Ouattara, qui se voit empêché par la Cour suprême de participer aux élections législatives du 10 décembre. M. Ouattara est à Paris. Il ne nous a pas été possible de le joindre mardi.
D’autres dirigeants du RDR ont été arrêtés lundi et mardi. Selon le gouvernement du président Laurent Gbagbo, le RDR tenterait actuellement de prendre le pouvoir par la force en Côte d’Ivoire, ce qui justifierait le couvre-feu décrété jusqu’au surlendemain de l’élection.
Les cinq décès constatés mardi par l’AFP concernaient des étrangers, Nigérians et Togolais. De nombreux témoignages font état d’une vague de racisme en Côte d’Ivoire, qui s’étend également aux personnes originaires du nord musulman du pays.
La question principale, mercredi matin, était de savoir si la flambée de violence actuelle était destinée à durer, voire à empirer, ou bien si elle s’apaiserait après la fin des élections. Le consensus social semblait, en tous cas, très gravement atteint, dans ce pays comptant 40 % d’étrangers et qui se présente lui-même comme un modèle de stabilité en Afrique.
Un scénario balkanique en Côte d’Ivoire ?