
Dans les vastes étendues du Sahel, une révolution silencieuse est en marche. Les juntes militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger redessinent les contours d’une industrie minière longtemps dominée par les intérêts occidentaux. Une histoire qui rappelle étrangement les nationalisations des années 1960-1970, lorsque de nombreux pays africains nouvellement indépendants cherchaient à reprendre le contrôle de leurs richesses naturelles.
L’or, ce métal précieux qui a façonné l’histoire de l’empire du Mali au XIVe siècle sous Mansa Musa, est aujourd’hui encore au cœur des enjeux de pouvoir en Afrique de l’Ouest. Le Mali, troisième producteur d’or d’Afrique, voit ses mines générer des milliards de dollars… dont la majorité échappe encore à sa population. Un paradoxe qui n’a pas échappé aux nouvelles autorités.
Une révolution minière en marche
L’affrontement a pris une tournure particulièrement spectaculaire ces derniers mois. À Ouagadougou, le gouvernement burkinabè vient de frapper un grand coup en nationalisant les mines d’or de Boungou et Wahgnion, deux joyaux précédemment exploités par Endeavour Mining et Lilium Mining. Au cœur du litige : des retards de paiement lors d’une cession de parts entre les deux entreprises. La solution radicale adoptée par l’État : un rachat pour 60 millions de dollars, assorti de redevances portant la transaction à 90 millions. Un message clair envoyé aux multinationales sur la nouvelle politique minière du pays.
Au Mali, berceau historique de l’or africain, le ton est encore plus ferme. Les autorités maliennes ont récemment mis en demeure le géant canadien Barrick Gold, réclamant pas moins de 512 millions de dollars d’impôts et dividendes impayés. Plus révélateur encore : Bamako a engagé une révision en profondeur des contrats miniers, visant à faire passer la participation de l’État de 20% à 35% dans les projets aurifères. Les arrestations de cadres miniers et les audits systématiques témoignent d’une détermination sans faille.
Un bouleversement géopolitique aux multiples enjeux
Cette offensive économique s’accompagne d’un bouleversement géopolitique majeur. L’expulsion des troupes françaises et l’arrivée des mercenaires russes du groupe Wagner redessinent les alliances. Moscou, qui avait déjà tissé des liens étroits avec plusieurs pays africains durant la Guerre froide, retrouve une influence dans la région.
Pour les investisseurs occidentaux, habitués depuis des décennies à des conditions favorables, le choc est brutal. Les nouvelles exigences bouleversent leurs modèles économiques. Certains évoquent déjà un possible retrait, rappelant l’exode des compagnies minières après les nationalisations post-indépendance.
Un équilibre délicat à trouver
Mais la réalité est plus complexe. Ces pays, riches en minerais mais économiquement fragiles, marchent sur une ligne de crête. Comment maximiser les revenus nationaux sans effrayer les investisseurs étrangers ? La question reste entière, alors que se profile une nouvelle ère dans les relations entre l’Afrique et les multinationales minières.
Une chose est sûre : le temps où l’or du Sahel quittait silencieusement le continent sans bénéficier aux populations locales semble révolu.