Plus d’un milliard de personnes sont exposées à la faim dans le monde. Près d’un quart d’entre elles se trouvent sur le continent africain. L’Onu constate que l’un des objectif de développement du Millénaire, celui de réduire de moitié le nombre de personnes affamées de par le monde, risque de ne pas être atteint et remobilise les Etats partenaires. Ce lundi à Rome, la capitale italienne, s’est ouvert la trente-sixième session annuelle du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), qui s’achèvera ce samedi.
Le constat est sévère : la faim gagne du terrain dans le monde. Selon le Fond alimentaire mondial (FAO), plus d’un milliard de personnes, soit 15% de la population mondiale, souffrent de faim, principalement dans les pays du tiers monde. Un enfant meure faute de nourriture toutes les six secondes, estime l’organisme onusien, selon lequel près de 240 millions d’Africains sont concernés par la faim. On est donc loin de la réalisation du premier objectif de développement du millénaire, qui était de réduire de moitié le nombre d’affamés dans le monde. « Aujourd’hui, aux deux tiers du parcours vers le bilan final, la réalité est tragique : nous sommes en retard par rapport à l’objectif fixé », constate amer, le Sénégalais Jacques Diouf, Directeur général de la FAO. Selon lui, bien que répété en chœur, le souhait des Etats de voir tout humain manger à sa faim est pratiquement resté un vœu pieux. « Malgré l’engagement solennel des dirigeants mondiaux qui ont fait de l’élimination de la faim et de la pauvreté leur tout premier objectif du Millénaire pour le développement, la volonté politique et les ressources financières n’ont pas été à la hauteur de l’enjeu », déplore-t-il.
Ces insuffisances sont traduites, côté africain, tel que l’explique le ministre angolais de l’Agriculture, du développement rural et des pêches, Alfonso Pedro Canca, par un sous-équipement de l’agriculture paysanne qui est restée peu productive et insuffisamment protégée. Cette agriculture ne peut, dans ces conditions « s’équiper et progresser face à une concurrence au dessus de ses forces », a-t-il déclaré mardi à Rome, au deuxième jour de la session annuelle du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) [[Créé en 1974, le CSA est un organisme intergouvernemental du système des Nations Unies dont le rôle est l’examen et le suivi des politiques relatives à la sécurité alimentaire mondiale, y compris la production et l’accès économique et physique à la nourriture]].
Autres causes de la progression de la faim, les crises politiques, la flambée des prix des denrées et les catastrophes naturelles, aggravées par les changements climatiques. Selon la FAO, vingt-deux pays [[ Afghanistan, Angola, Burundi, Congo, Côte d’Ivoire, Erythrée, Ethiopie, Guinée, Haïti, Iraq, Kenya, Libéria, Ouganda, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tadjikistan, Tchad, Zimbabwe]] sont actuellement en situation de crise prolongée dans le monde. Parmi eux, dix-sept se trouvent en Afrique. Ces crises ont entre autres effets de contribuer à la pénurie alimentaire. « La proportion des personnes sous-alimentée est environ le triple dans les pays en situation de crise prolongée, par rapport aux autres pays en développement », constate une étude de la FAO sur l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde, publiée cette année. Ces pays subissent de plein fouet la hausse irrésistible des prix alimentaires, qui ont provoquées ici et là dans le tiers-monde des émeutes de la faim, brutales démonstrations de l’insécurité alimentaires.
Réformer la gouvernance mondiale de l’alimentation pour plus d’efficacité
« Nous devons à court ou moyen terme, être capables d’augmenter la productivité dans les différents systèmes d’agriculture durable ainsi que mettre en œuvre des mesures de mitigation et d’adaptation aux changements climatiques », pense Alfonso Pedro Canca.
Clé de voûte de la gouvernance mondiale en matière d’agriculture et de sécurité alimentaire, le CSA, a entamé sa réforme, pour gagner en efficacité dans cette bataille pour la sécurité alimentaire. Cette réforme lui permettra notamment de devenir la plateforme internationale et intergouvernementale la plus inclusive, aux travaux de laquelle prendront part toutes les organisations impliquées dans les problèmes alimentaires : les ONG, les organisations de la société civile, les autres organes de l’Onu, le secteur privée et les associations philanthropiques.
Pour Jacques Diouf, « Les problèmes mondiaux exigent à la fois des solutions mondiales et locales. Le CSA réformé constitue la plateforme idéale pour débattre des questions complexes et dégager un consensus sur les solutions à apporter ( …) Pour que le CSA soit un instrument concret parvenant à des résultats tangibles, il est capital de créer des partenariats et des liens au niveau des pays par le biais des mécanismes adéquats et reconnus, comme les groupes thématiques et les alliances nationales pour la sécurité alimentaire. »
Pour la Directrice exécutrice du Programme alimentaire mondial (PAM), Josette Sheeran, « face à la récente volatilité des prix des produits de base et à la demande accrue de nourriture, la session intervient à point nommé. C’est l’occasion pour le CSA réformé d’assumer sa responsabilité et de fédérer les nations du monde autour d’une réponse efficace et cohérente pour fournir une aide humanitaire vitale en cas de catastrophe et bâtir une sécurité alimentaire à long terme ». De son côté, la Vice-présidente du (Fonds international pour le développement de l’agriculture (FIDA), Yukiko Omura, a indiqué que « Le FIDA a participé très activement au processus de réforme du CSA et réaffirme son engagement envers le nouveau Comité. Nous travaillons avec la FAO et le PAM au sein du Secrétariat conjoint et du groupe consultatif. Investir dans les petits agriculteurs – améliorer leur accès à la terre, aux technologies adaptées, aux services financiers et aux marchés, et répondre à leurs autres besoins – est le moyen le plus efficace d’engendrer un mouvement de tous bords pour sortir de la pauvreté et de la faim. » « Le monde se doit d’affronter la situation de la sécurité alimentaire et le CSA est la tribune qui s’y prête le mieux », a conclu le Président du Bureau du CSA, Noel De Luna.
De notre envoyé spécial à Rome