L’OIF glisse en Guinée


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Louise Mushikiwabo
Louise Mushikiwabo

L’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) vient de se tirer une balle dans le pied, jeudi, lors de sa session extraordinaire à Paris, en France. L’OIF a en effet décidé de suspendre la Guinée de ses instances suite au coup d’État orchestré par la junte militaire contre le Président Alpha Condé, le 5 septembre 2021.

« La prise du pouvoir par la force, quelle qu’en soient les motivations, est une violation des lois de la République et contraire aux valeurs et principes consignés notamment dans les Déclarations de Bamako ». Tels ont été les propos de l’OIF, qui a toutefois décidé de maintenir les programmes de coopération multilatérale francophone, notamment ceux en soutien du processus de rétablissement de l’ordre constitutionnel et démocratique.

La Secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, a fermement condamné la prise du pouvoir par la junte guinéenne, ajoutant que « rien ne peut justifier une telle violation de nos principes fondamentaux ». Arrêtons-nous un peu sur ces passages pour tenter de comprendre ce que l’Organisation Internationale de la Francophonie veut réellement lancer comme message dans sa sortie de ce jeudi 16 septembre 2021. Certainement une date à retenir dans l’histoire de l’organisation. Et dans tous les pays qui ont en commun l’usage de la langue française.

En briguant un troisième mandat, que lui interdisait la Constitution guinéenne, Alpha Condé agissait certainement « conformément aux valeurs et principes consignés notamment dans les Déclarations de Bamako ». En forçant la main à son peuple, en usant de la force policière et militaire pour ouvrir le feu sur les manifestants au point de faire des dizaines de morts, juste pour décrocher un troisième mandat, après avoir fait sauter les verrous de la Constitution guinéenne, le silence d’alors de l’OIF indiquait clairement qu’Alpha Condé agissait conformément « aux valeurs et principes consignés notamment dans les Déclarations de Bamako ».

Quand le peuple guinéen criait son désaccord à l’époque et se faisait massacrer, réprimer dans le sang, l’OIF ne disait rien, donc consentait, car Alpha Condé agissait conformément « aux valeurs et principes consignés notamment dans les Déclarations de Bamako ». Aujourd’hui que le peuple guinéen jubile et dit merci à ceux qui viennent de le libérer des griffes d’Alpha Condé qui avait opéré, en octobre dernier, une « prise du pouvoir par la force », après avoir violé la Constitution qu’il avait taillée sur mesure, l’OIF crie au scandale. Parce que le peuple est heureux. Sans s’en rendre compte, beaucoup d’instances, nationales comme internationales, voient des chapitres de l’histoire leur échapper.

L’Afrique, du moins certains peuples africains, ont décidé de prendre leur destin en main et choisissent leurs dirigeants. Tant que des Alpha Condé continueront d’exister, il y aura toujours des Mamady Doumbouya. Tant que des dirigeants, à l’image d’un certain Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire, continueront à fouler au pied la Constitution de leur pays, ils se verront rappeler à l’ordre par le peuple. Tôt ou tard, un Mamady Doumbouya ou un Assimi Goïta se dressera sur leur chemin, conformément « aux valeurs et principes consignés notamment dans les » prestations de serment. Conformément à la volonté du peuple souverain. Jadis, les peuples africains tremblaient à la seule idée d’être gouvernés par des militaires. Si on en arrive à ce que les peuples préfèrent être dirigés par des militaires, c’est que quelque chose a changé.

Inutile d’aller chercher loin. Quelqu’un comme Alpha Condé a été déposé alors qu’il gardait dans son domicile un joli pactole de 20 milliards de FCFA (35 millions d’euros), alors que son peuple avait faim, manquait de tout. Beaucoup de ses pairs sont logés à la même enseigne, plus riches que Crésus. Ces dirigeants qui méprisent leur peuple, se nourrissent de la chair et s’abreuvent du sang de leurs concitoyens, qu’ils laissent affamés, sans espoir de lendemain meilleur. Ces dirigeants, qui sont incapables de doter leur pays d’unités médicales de pointe, incapables de prendre en charge leurs populations, et obligés de se soigner à l’étranger, faute d’infrastructures, ils méritent d’être déposés. Si besoin par l’armée, et le peuple ne peut qu’applaudir.

N’en déplaise à l’OIF. Il faut savoir choisir son camp. Visiblement, l’OIF n’a pas choisi le camp du peuple

Toutefois, même si elle a exigé « la libération immédiate et sans condition du Président Alpha Condé et invite ses responsables à préserver l’intégrité physique, garantir le respect des droits et des libertés fondamentales de tous », la Francophonie a tenté de nuancer, en appelant à la mise en place d’un gouvernement de transition conduit par des civils et renouvelé sa demande d’une transition consensuelle et inclusive visant à rétablir l’ordre constitutionnel et démocratique « dans les meilleurs délais. Sans doute trop tard, les populations africaines auront déjà compris sa position.

Aux institutions qui parrainent l’injustice sociale, les violations de Constitution, et les coups d’Etat déguisés perpétrés par les dirigeants ou leurs proches, qui reçoivent une onction internationale, comme c’est le cas au Tchad, le temps de comprendre qu’il faudra conjuguer avec les peuples est venu. Et que dans tous ces pays où le peuple est écarté de la gestion, tout peut arriver et à tout moment. Pour ainsi dire : ce sera toujours l’incertitude totale, surtout pour les investisseurs. Le temps de penser aux intérêts communs, les peuples qui avancent au même rythme que leurs dirigeants, est venu. Comme cela se passe ailleurs. C’est le rêve des Africains qui ont désormais plus confiance en leur armée. Faut-il faire un tour au Mali ou en Guinée pour comprendre que le peuple a choisi son camp ?

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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