L’œuvre multimédia sénégalaise « Pots aux feux rouges » mêle habilement le son, l’image et la vidéo. Les quatre artistes qui en sont à l’origine ont choisi de dénoncer la situation des petits talibés, obligés de mendier dans les rues de Dakar pour survivre. Quant l’art et le social se rencontrent…
Bruits de rue, voitures, klaxons, voix d’enfants récitant des versets du Coran… Voilà pour l’ambiance sonore de la création multimédia sénégalaise « Pots aux feux rouges ». Une œuvre originale et riche qui permet de pénétrer le quotidien des talibés, ces enfants confiés aux marabouts et obligés de mendier pour assurer leur subsistance.
On les rencontre en grappe autour des feux de la ville de Dakar, munis de ces fameux « pots rouges » qui sont devenus leur emblème. Des pots de sauce tomate vides que l’on trouve dans toutes les familles et que les enfants tendent sous le nez des passants. Grâce au site, on découvre les différences symboliques de l’aumône. Ainsi, « donner une bougie en aumône peut vouloir dire que l’on cherche à éclairer son avenir, à en chasser tous les écueils », « donner de la nourriture : biscuits, lait, bouillie de mil, veut souvent dire que l’on veut satisfaire les esprits invisibles qui vous deviennent alors favorables ».
Les temps ont changé pour les petits talibés
Les auteurs de l’œuvre mêlent habilement l’écrit, l’image, le son et la vidéo. Il faut ainsi lire le poème de l’écrivaine Fatou Ndiaye Sow, « La complainte d’une mère », illustré par les peintures sous-verre d’Anta Germaine Gaye, artiste-peintre, designer et sculptrice. Ou encore se laisser bercer par la musique de Vieux Mac Faye tout en découvrant les très touchantes photographies de Djibril Sy. Ce photographe, formé à l’école des Beaux-Arts de Dakar, travaille sur le thème des talibés, qu’il désigne aussi comme des enfants de la rue, et sur celui de l’immigration des Sénégalais vers les grandes métropoles.
Débordant de poésie, le site est aussi une réflexion lucide sur la situation de ces enfants qui se retrouvent de plus en souvent à la merci de marabouts sans scrupules. Ils traînent toute la journée « sales, mal vêtus, mal nourris ». L’évocation des daaras (écoles coraniques) dans les sociétés traditionnelles permet de voir à quel point aujourd’hui, la mendicité a pris le pas sur l’éducation. « Les temps ont changé. Les enfants souffrent dans les villes beaucoup plus qu’ils n’apprennent le Coran. Ils errent dans les rues toute la journée, les seuls métiers qu’ils apprennent sont de mendier et de faire » madame, porter » dans les marchés. Et surtout, ils sont à la merci des boudjoumans, des voyous », peut-on lire dans le conte qui ouvre le site. Après avoir feuilleté ces pages virtuelles, vous ne regarderez sûrement plus les talibés de la même façon. Vous écouterez enfin leurs petites voix qui vous interpellent tous les matins…