L’OCDE rencontre l’Afrique du 23 au 25 avril à Dakar pour une conférence internationale sur le commerce et l’investissement. Une première pour l’organisation qui jusque-là n’avait jamais envisagé de partenariat global avec le continent. Eric Burgeat, directeur du Centre pour la coopération avec les non-membres de l’OCDE, revient sur les raisons de ce rapprochement tardif avec le continent. Interview.
La Conférence internationale pour le commerce et le développement en Afrique, organisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a ouvert ses portes mardi à Dakar. Plus de 700 experts mondiaux ont fait le déplacement au Sénégal pour l’occasion. C’est la première fois que l’OCDE s’intéresse au continent à l’échelle globale. Même si le sommet des chefs d’Etat prévu samedi pour présenter la synthèse des trois jours d’ateliers a été annulé, pour Eric Burgeat, directeur du Centre pour la coopération avec les non-membres à l’OCDE, l’événement est de premier ordre.
Afrik : Il n’y aura pas de sommet de chefs d’Etat pour clore les journées d’échanges. N’est-ce pas là un constat d’échec de la Conférence ?
Eric Burgeat : Initialement, la réunion était plutôt une réunion technique. Le seul fait qu’elle ait lieu et qu’elle rassemble plus de 700 experts pour les échanges est déjà un succès. La réunion des chefs d’Etat procédait de la volonté du président Wade de ne pas faire de cette conférence un événement isolé. Il souhaitait s’assurer que les visions développées ici aient des suites dans les actes de politique africaine. Il a proposé de présenter le fruit du travail qui aura été fait ici, notamment lors du prochain sommet des chefs d’Etat africains à Maputo (Mozambique, ndlr). Cela est presque plus valorisant pour nous.
Afrik : C’est la première fois que l’OCDE organise une rencontre de ce type avec l’Afrique. Pourquoi ?
Eric Burgeat : Jusque-là, nous étions concentrés sur les pays en transition, ceux qui passaient de l’économie planifiée à l’économie de marché- les pays de l’Est- et les pays aux économies émergeantes -les Dragons (Asie du sud-est, ndlr) et l’Amérique latine. L’Afrique a clairement pris la décision de tirer profiter de la mondialisation. Une volonté cristallisée dans le processus du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, ndlr). C’est l’existence du Nepad qui a été pour nous le point de départ d’un développement de la coopération avec l’Afrique.
Afrik : L’OCDE a bien souvent une image de » Club des pays riches « . Comment est -elle perçue en Afrique ?
Eric Burgeat : L’OCDE est une organisation discrète et difficile à comprendre, même par ses pays membres ! Il n’y a donc pas de raison pour que l’Afrique en ait une plus image plus claire. Le fait est que notre production est intangible. Nous ne produisons pas de traités, comme l’Organisation mondiale du Commerce. Nous ne donnons pas d’argent et nos propositions ne sont pas prescriptives. Il y a dix ans, l’image de l’OCDE était celle d’un » club de pays riches » qui s’entendaient sur le dos de tous les autres. Mais notre travail depuis cinq ans à levé les a priori. Le processus de coopération s’est largement ouvert aux pays non-membres et nous partageons notre expérience des économies de marché avec les pays qui veulent s’engager sur des voies comparables. Notre image actuelle a beaucoup évoluée, notamment grâce à notre travail en Russie. Un ministre chinois a bien résumé notre nouvelle image en disant que l’OCDE était » un club de réformateurs « .
Afrik : Vous parlez de votre expérience des économies de marché. Mais il n’y a pas de modèle unique de développement. Pensez-vous avoir des recettes pour l’Afrique ?
Eric Burgeat : Nous ne prétendons pas être des experts sur l’Afrique. Nous avons en revanche l’expérience de fonctionnement des économies de marché matures. Nous ne venons pas apporter de solutions miracles. Il ne s’agit pas d’exporter des solutions toutes faites en Afrique qui répond à un contexte propre. Il s’agit d’un dialogue à deux voix avec les experts africains pour enrichir une réflexion mutuelle et la nourrir de nos expériences respectives. Nous sommes un espace de dialogue pour aider à mieux cibler les priorités en matière de développement économique.
Afrik : Est ce que la présence de l’OCDE auprès de l’Afrique va faciliter le dialogue entre l’Afrique et les bailleurs de fonds internationaux ?
Eric Burgeat : Nous avons un rôle de facilitateur sur la scène économique internationale. Nous n’avons pas d’intérêts directs en jeu lors de nos discussions. Nos échanges ne se font pas sous le mode de la négociation ou de la conditionnalité. Nous créons des espaces d’échanges plus libres pour aider à dégager des consensus. Nous avons un rôle de concertation entre les bailleurs de fonds pour qu’ils améliorent les politiques d’aides au développement, pour qu’il y ait une meilleur coordination de l’aide.
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