Les médias internationaux ont porté une grande attention à la candidature du Russe d’origine bissau-guinéenne Joaquim Crima dans une petite circonscription de la Fédération, finalement choisi par 5% des électeurs ce dimanche. Mais contrairement à ce qui a été beaucoup affirmé, il ne s’agit pas de la première candidature noire à une élection russe. Le phénomène Obama fait passer au second plan l’histoire très similaire d’un prétendant d’origine camerounaise à la mairie de Tver, il y a 9 ans.
« Je vais trimer comme un nègre ! » : le slogan de Joaquim Crima annonce la couleur. Russe originaire de Guinée Bissau, ce fermier de 37 ans a eu le droit aux honneurs des médias du monde entier tout au long de sa campagne pour le district de Srednaïa Akhtouba, qui compte 55 000 habitants. Un enjeu minime pour un pays de 141,8 millions d’habitants, mais un réel symbole du fait du racisme largement répandu parmi la population.
Le score de 5% environ obtenu dimanche est faible, mais réjouit un candidat qui n’en espérait pas tant. Un second candidat noir, Filipp Kondratiev, d’origine russo-ghanéenne, s’était également porté candidat dans le district. Il a obtenu 1% des voix, mais s’était présenté, selon Joaquim Crima, sur ordre du pouvoir local.
Toutefois, la journaliste Anna Stepnova, citée par The Huffington Post, estime que la candidature de Joaquim Crima lui-même relève d’une stratégie classique en Russie de captation des votes contestataire. Sans avoir de véritable chance d’être élu, Crima serait, par sa candidature opportune, assuré d’obtenir un siège au conseil de district en 2011. Membre de Russie unie, le parti de Vladimir Poutine, Crima concourrait de façon indépendante. Le candidat officiel du parti était lundi en tête des résultats partiels.
Un air de déjà-vu
Joaquim Crima n’est pas le premier Noir candidat à une élection en Russie, puisque Libération évoquait, en 2000, le cas de Marcel Tafen Wandji, candidat d’origine camerounaise à la mairie de Tver, une ville de 400 000 habitants.
Déjà à l’époque, le candidat noir avait fait la une des journaux. « Ne vous étonnez pas si le prochain maire de Tver s’appelle Marcel Tafen Wandji », avait titré le grand quotidien russe Izvestia. Et déjà, également, les slogans du candidat tentaient de détourner le racisme à son avantage, en proclamant « Avec Marcel, impossible de voir la vie en noir », ou encore « Marcel est différent ».
Neuf ans plus tard, la candidature d’un Noir semble toujours aussi exceptionnelle en Russie. Mais l’élection présidentielle de Barack Obama est passée par là en 2008. Surnommé l’« Obama russe », Joaquim Crima ne possède pourtant pas grand-chose de commun avec ce dernier, mise à part sa couleur de peau.
Les migrants subsahariens dans la crainte des agressions racistes
Nombreux sont ceux, parmi les 10 000 Africains environ immigrés en Russie, qui regrettent d’avoir choisi ce pays comme destination de leur exil, à croire une étude publiée en septembre par la Moscow Protestant Chaplaincy (MPC). Moscou s’avère une ville dangereuse puisque quatre migrants subsahariens sur dix déclarent s’être fait agresser au moins une fois en 2009. Seul un quart de ces derniers dit avoir ensuite porté l’affaire devant la police. Les plaintes sont en effet souvent classées, et les forces de l’ordre font parfois à leur tour preuve de racisme envers les victimes, allant jusqu’à des atteintes physiques.
Ces attaques ne sont pas seulement le fait de groupes de marginaux néonazis alcoolisés, comme on tend à le croire. Le rapport de la MPC cite l’exemple, en février 2009, de deux Nigérians qu’un Russe invite à boire un verre à son domicile. Une fois chez lui, les deux migrants se font attaquer au couteau par l’inconnu, qui leur déclare avoir tué des Noirs en Tchétchénie et vouloir continuer son combat pour empêcher qu’ils ne dominent la Russie. Les Nigérians ne doivent alors leur salut qu’à leur capacité à maîtriser l’agresseur, avant de prendre la fuite.
Selon un article du Monde, les crimes racistes seraient en diminution depuis 2002, avec l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir. Concentrées à Moscou et Saint-Petersbourg, les agressions concernent en premier lieu les peuples non-slaves des anciennes républiques soviétiques. 378 personnes ont été blessés dans des crimes racistes en 2008, et 78 y ont trouvé la mort.
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