Le péché d’usure rapporte. Les banques » islamiques » en font les frais. Après un essor impressionnant dans les années 80, elles voient leurs clients s’évader vers des guichets moins pieux, mais plus rentables. Enquête sur le mirage d’une finance musulmane.
» Croyants ! Ne pratiquez pas l’usure, doublant ainsi vos profits » (Coran, S.3 -v. 130), c’est sur cet argument à la fois marketing et religieux que s’étaient fondées, dans les années 70, les premières banques islamiques. Proscrivant l’usure, elles proposent des participations sous forme d’investissement. Double bénéfice : elles promeuvent la religion d’Etat et attirent des placements prétendument réinjectés dans l’économie du pays. Au passage, elles balayent la concurrence d’un revers de sourate, les banques non » islamiques » ne pouvant qu’être infidèles.
Le paradis ? Pour un temps seulement. Des investissements à grands risques ont coûté beaucoup d’argent aux financiers islamiques. La banque égyptienne Fayçal par exemple, a perdu près d’1,2 milliard de dollars quand la Banque de crédit et de commerce (à Londres), s’est effondrée en 1989. Après avoir accordé des crédits audacieux, la Banque islamique pour le développement et l’investissement était au bord de faillite à la fin des années 80. Il a fallu l’intervention de la Banque centrale égyptienne pour éviter le dépôt de bilan.
Une gestion pas très catholique
Car c’est une des caractéristiques principales des banques islamiques que d’être partiellement publiques. 80% des parts de la Banque islamique de développement sont ainsi détenus par les pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Mais, seconde erreur de calcul, il est apparu assez rapidement que ces institutions dirigeaient leur argent vers l’étranger au lieu de soutenir le développement de leur propre pays. 70% de leur épargne est en devise étrangère. Et la part de leurs investissements dans l’industrie ne dépasse pas 11%, alors que les banques traditionnelles y placent 32% de leurs fonds.
Cette contradiction entre le soutien étatique dont elles bénéficient, leur mauvaise gestion et leur absence de participation au développement national nourrit les critiques. Les banques islamiques sont violemment attaquées, parfois par ceux-là même qui les encensaient jadis. Ahmad Zendo, ex-gouverneur de la Banque Fayçal, ou encore Ahmad Al-Naggar, père fondateur des banques islamiques, ont retourné leur veste. L’heure de la revanche a sonné pour les banques conventionnelles qui, plus concurrentielles, voient à nouveau affluer les clients.