Comme nous aurions voulu que cette plume acérée du puriste de la République dénonçât de manière acerbe l’imposture criminelle et l’innommable barbarie qui répandirent durant 10 longues années, de 2000 à 2010, la terreur sur la Côte d’Ivoire et couvrirent le pays de sang et de larmes défigurant l’hymne national ivoirien et blessant mortellement l’âme de la nation en construction ! Depuis le charnier inaugural de Yopougon en 2000, depuis l’assassinat ignominieux du Dr Dacoury Tabley Benoît , depuis l’assassinat non moins ignominieux des journalistes Guy André Kieffer et Jean Hélène jusqu’ au meurtre crapuleux final de Yves Lambelin, de Stephan Franz Di Rippel, de Chelliah Pandian et de Raoul Adéossi en passant par les innombrables crimes sans nom, tel le massacre des femmes d’Abobo qui conclurent l’Amok inauguré par le régime Gbagbo dont il était le n° 2, Mamadou Koulibaly se taisait !!
Les escadrons de la mort qui enlevaient nuitamment des Ivoiriens pour abandonner leurs corps suppliciés dans les caniveaux des rues et dans les décharges publiques n’émurent pas outre mesure le légaliste ! Au sein de l’armée de Gbagbo, les milices ethniques ensauvagées du régime qui, nourries au lait vénéneux de la haine tribale, battaient à mort d’honorables officiers supérieurs de l’armée ivoirienne, massacraient à tour de bras à la mitrailleuse lourde et aux obus anti-char des manifestants pacifiques dans la jouissance effrénée démoniaque que procure l’impunité et le crime lorsque toutes les barrières morales se sont effondrées, laissèrent de marbre l’ex président de l’Assemblée Nationale qui ne se contenta, en bon économiste préoccupé d’indépendance monétaire, que de dénoncer la corruption et la gabegie financière du régime !
La politique systématique de corruption et d’instrumentalisation de la jeunesse ivoirienne qui avait fini par transformer le milieu estudiantin et scolaire en un vivier de miliciens sanglants largement criminalisés semant la terreur dans les rues et quartiers d’Abidjan et dans le reste du pays ne suscitèrent guère la révolte de celui qu’il faut finalement soupçonner de nourrir la conviction que l’avenir et la pérennité de la Côte d’Ivoire compte moins que la pérennité du pouvoir antidémocratique de Gbagbo. Les brasiers infernaux que cette jeunesse ensauvagée alluma pour y jeter vivants, dans une jouissance sanguinolente, les hommes et les femmes, les enfants, les mères et les pères, les fils, les frères et les sœurs, sur la place publique et aux détours des chemins, ne firent pas ciller les yeux du légaliste qui n’eut rien à redire lorsque le chef de cette jeunesse sanglante fut propulsé au rang de ministre de la République de Côte d’Ivoire !
Le moraliste qui s’est tu devant Blé Goudé, le symbole dévoyé d’une jeunesse criminalisée, dénonce avec violence Guillaume Soro le symbole d’une frange de cette jeunesse qui refusa l’imposture et entra en révolte contre l’iniquité et le crime ! Celui qui se préoccupe de l’impunité des criminels avérés du régime précédent et de ses membres soupçonnés de crimes contre l’humanité en parlant de « vengeance justicière » présente alors le visage du cynique qui réduit le droit à la force ou en défigure l’esprit au profit de la lettre pour valider l’imposture ! Dès lors, la comptabilité dérisoire de Mamadou Koulibaly qui compte et recompte les voix prétendument extorquées au détriment de son mentor Gbagbo, dont il apparaît qu’il ne s’est séparé que pour contester l’alliance circonstancielle de ce dernier avec le rebelle Guillaume Soro, révèle la vacuité du libéralisme du leader du LIDER. Car le libéralisme est d’abord fondé sur le principe moral de la liberté irréductible de la personne et du respect de sa dignité.
Le libéralisme ne criminalise pas la rébellion à laquelle une personne peut être contrainte de recourir pour reconquérir son intégrité morale et défendre son intégrité physique contre un pouvoir injuste et oppresseur comme le fut celui de Gbagbo. Le libéralisme repose aussi sur le principe de l’égalité de tous les hommes qui interdit de désigner des sous-citoyens, de catégoriser les hommes, de stigmatiser des individus et des groupes sociaux, d’accorder des privilèges et des passe-droits, de faire de l’inégalité le principe du fonctionnement de l’Etat ! Dans le droit fil de la mentalité de l’homo hierachicus et de l’esclavagiste qui trouve normal que des hommes soient réduit au statut de sous-humain, Mamadou Koulibaly « le libéral », et l’anticolonialiste s’accommode étrangement de l’oppression, de la catégorisation, de la sous-citoyenneté, de l’inégalité et de la stigmatisation de l’étranger.
La rébellion contre l’injustice et la criminalité d’Etat, plaie purulente dont les régimes iniques couvrirent le corps de l’Afrique, est pour Mamadou Koulibaly et ses pairs le crime absolu ! Le tiers-mondiste Jean Ziegler, qui a passé sa vie à combattre l’oppression sous toutes ses formes, n’eut-il donc pas raison de célébrer les rebellions du tiers-monde dans cet ouvrage qui fit date en janvier 1985 : « Contre l’ordre du monde. Les Rebelles.» ? Jean Ziegler ne vit pas dans les rebellions contre les dictatures du tiers-monde une agression contre le droit. Il y vit au contraire une force émancipatrice contre l’ordre inique établi, contre la tyrannie lorsqu’aucun autre recours n’est possible suite à la fermeture du système d’oppression qui broie les corps et les âmes dans un Etat!
Avec l’époque de la démocratisation des régimes politiques, est venu en Afrique et en Côte d’Ivoire en particulier, le temps d’inaugurer un commencement qui clôt le proche passé de l’oppression, du clivage social et de la haine de l’autre pour ouvrir l’avenir. Cet avenir passe par la médiation d’une opposition constructive qui limite le nouveau pouvoir par les droits fondamentaux de la personne. Mais ce raffermissement nécessaire de la démocratie représentative, unique voie de la libération effective des peuples d’Afrique passe nécessairement par le chemin de la conviction éthique pour laquelle la liberté et l’égalité, mais aussi surtout la fraternité universelle, sont des impératifs catégoriques pour lesquelles il est quelquefois indispensable de risquer sa vie dans une rébellion contre les systèmes de domination et d’iniquité!