De toute évidence, les autorités indiennes se démènent plus que mesure, pour que la partition continentale prévue ce matin soit à la dimension de leur ambition. Et elles mettent un point d’honneur à s’investir à fond, pour que leur pays apparaisse comme une grande puissance. En tout cas, s’il ne l’est pas encore, le secrétaire général de la toute forte Confédération patronale, le docteur Amit Mitra, qui regroupe plus de 1.500 entreprises, ne badine pas et affirme dur comme fer que d’ici 2020, l’Inde sera la deuxième puissance mondiale après les USA.
Faut-il le croire ou prendre les paroles du secrétaire général de la Confédération patronale, Amit Mitra, comme un bluff de poker à l’adresse des centaines d’invités venus en marge du sommet Inde-Afrique qui s’ouvre ce matin à New-Delhi ? La réponse à une telle question est difficile tant le pays de Ghandi est unique et pluriel en même temps. Si les atouts de New Delhi sont aujourd’hui visibles, allant d’un taux de croissance de 9 % à un développement industriel visible et presque à portée de bras, l’observateur étranger ne verse pas facilement dans la crédulité et il est toujours rattrapé par des scènes de la vie indienne exposant des instantanés prouvant une terrible lutte pour la survie. On peut expliquer cette contradiction par la culture du pays et par le nombre d’un milliard et deux cents millions d’habitants. Mais cela ne suffit pas pour prendre vraiment au sérieux les démonstrations de force des responsables indiens.
A partir de ce matin, en tout cas, les responsables indiens et africains auront fort à faire pour mettre en place une coopération économique plus large comme le voudraient les Indiens. Il est clair que les dirigeants africains viennent en rangs très dispersés à l’image des dirigeants de journaux invités pour la circonstance depuis quelques jours, et qui ont été incapables de dégager une plateforme de coopération avec leurs semblables indiens qui ont manifesté une disponibilité incommensurable en matière de formation et d’accompagnement au bénéfice de la presse africaine.
Dix milliards de dollars prêts à être investis en Afrique
L’Inde, cependant, n’est pas du tout absente sur le continent africain. Au contraire, le volume des échanges avec le continent noir ne cesse d’augmenter. De plus, elle fait miroiter un pactole de dix milliards de dollars qu’elle serait prête à encore investir en Afrique, et on pourrait comprendre aisément l’empressement de certains pays pauvres africains à venir se bousculer aux portes de la capitale indienne.
New Delhi, on va le comprendre aujourd’hui, dès les premiers instants du sommet, veut faire comme la Chine ou mieux en matière d’empressement à tenter de s’installer dans les premières loges africaines, et elle ne s’empêche pas d’annoncer dans des termes à peine voilés, qu’elle est en mesure de lui tenir tête et qu’elle dispose de suffisamment d’arguments, notamment historiques, pour lui déclarer une véritable guerre économique.
Il restera cependant un fait saillant : le Maghreb et l’Afrique du Nord ne sont pas représentés à la hauteur des espérances indiennes, et les responsables de New-Delhi cachent à peine leur déception en affirmant, au détour d’un couloir d’hôtel, que le courant ne passe pas comme ils le voudraient avec cette partie du continent africain. La Libye, on le sait, voit d’un très mauvais oeil les relations très particulières qu’entretiennent les Indiens avec Tel Aviv, et il est possible que cette appréciation soit assez partagée par d’autres pays arabes plutôt branchés sur les lignes occidentales.
Les Algériens, on s’en doute, ont appris à faire la part des choses et surtout de privilégier leurs propres intérêts. Alger vend plus à l’Inde qu’elle n’en achète d’elle. Il s’agit bien sûr de pétrole. Et l’Inde en a encore besoin et elle en demande.
Abdou Benabbou, envoyé spécial du Quotidien d’Oran
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