L’incroyable Josepha


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Elle a été distinguée au festival d’Avignon, au festival de Carthage, au festival international de théâtre de Québec…Bref, personne n’oserait mettre en question le talent de cette comédienne camerounaise. Seulement cette Josépha est des fois d’une de ces bêtises !

Peut-être vous êtes-vous déjà retrouvé dans cette situation embarrassante où un visage vaguement familier vous accoste, en claironnant gaiement votre prénom. Et au cas où vous douteriez encore des liens qui vous unissent, il vous demande par le menu votre sentiment sur des événements récents auxquels vous avez effectivement participé. Ce qu’il y a d’embarrassant là-dedans, c’est le sentiment, qui vous oppresse à mesure qu’il vous mitraille de références précises à vos activités, de l’insulter en ne le situant pas tout à fait dans vos annales personnelles, en ne sachant plus son nom.

Celle que je faillis ne pas replacer s’appelait Josépha. Auparavant, je l’avais vue deux fois en tout. La première fois, alors qu’elle interprétait sur les planches du CCF le rôle éponyme d’une pièce que j’avais écrite ; la seconde fois, tout aussi fortuitement, dans un espace culturel à Nlongkak (Petit Tam Tam). A ma décharge donc, c’est toujours sous des éclairages artificiels (la nuit) que sa beauté m’était apparue.

Sacrée Josépha ! Ce qu’on a pu raconter sur elle… Ses talents de comédienne ont toujours fait l’unanimité mais n’ont jamais eu, en raison sans doute de sa personnalité trouble, n’ont jamais eu la faveur des conversations de ses confrères, dans les milieux culturels du mboa. Si, comme l’affirmait Minguélé, son metteur en scène, Josépha a une plastique de rêve et une mémoire prodigieuse, elle n’en est pas moins d’une bêtise, mais alors crasse. C’est effarant ! Elle s’exprime clairement, avec grâce, mais Dieu qu’elle est bête ! Je vous jure, c’est à vous fendre l’âme. A côté, l’âne de Buridan ou, plus concrètement, mon ex Cathy, sont carrément des lumières.

C’est elle qui, à Petit Tam Tam, s’était mêlée de littérature et, au cours d’une haute conversation avec l’auteur des Aubes Ecarlates, où je disais tout le bien que je pense d’Oliver Twist, m’avait demandé avec une désarmante inconscience :

 Quel roman d’Oliver Twist préférez-vous, monsieur Eric ?

 Heu…ah ! Euh… ! Josépha, c’est bien ça… ? c’est bien vous ? A quand votre prochain spectacle ? Léonora, je te présente l’une de nos comédiennes émergentes. Plus qu’un espoir, c’est un talent confirmé.

Josépha est si affable que je ne connais pas un comédien de théâtre africain, un dramaturge, un producteur, qui, en plastronnant pour la galerie, ne se soit pas targué de se l’être faite. Forfanterie, gloriole et vanité que tout cela. Elle est en effet inapte à protéger un secret ou à jouer les rôles de sex friend ou deuxième bureau : si elle avait couché avec tous ces partenaires déclarés, c’est de sa propre bouche qu’on l’eût appris. C’est que Josépha aime les lumières, les projecteurs, l’avant-scène, la parole, bref son métier, quoi !

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Éric Essono Tsimi est un intellectuel, écrivain et chercheur d'origine camerounaise, reconnu pour ses analyses pointues sur les dynamiques sociopolitiques en Afrique, la francophonie et les questions postcoloniales. Auteur prolifique, il aborde des thématiques variées allant de la critique littéraire à la réflexion sur les identités culturelles africaines dans un monde globalisé. Son travail se distingue par une approche critique des rapports de pouvoir, notamment dans les relations entre l'Afrique et les anciennes puissances coloniales. En tant que chroniqueur et essayiste, Éric Essono Tsimi apporte un regard incisif sur l'actualité, en articulant ses réflexions autour des enjeux de souveraineté, de justice sociale et de mémoire historique. Engagé dans le débat public, il intervient régulièrement dans des conférences, des médias et des publications académiques, contribuant à nourrir la réflexion sur les défis contemporains du continent africain et de ses diasporas.
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