Selon la Banque mondiale, les transferts de fonds à destination des pays du Sud représenteront 200 milliards de dollars par an à l’horizon 2020. Or ils ne sont, aujourd’hui, pas pris politiquement en compte à leur juste valeur dans la majeur partie des pays africains. D’où la nécessaire réflexion à mener pour savoir comment maîtriser et attirer ces importants flux financiers (Extraits).
De notre partenaire Afrique Renouveau
(…) Pour de nombreux pays africains recevant d’importants transferts de fonds, le défi consiste à les canaliser dans des programmes qui bénéficient à l’ensemble de la société. Les participants à une réunion régionale de la Commission mondiale sur les migrations internationales (CMMI). La CMMI, un groupe mondial d’études des questions relatives aux migrations internationales, a été créée en 2003 par le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan et un groupe de pays intéressés, dont l’Afrique du Sud. Elle vise à contribuer à l’élaboration de politiques mondiales cohérentes et globales sur les migrations tenue au Cap (Afrique du Sud) en mars 2005 ont reconnu que si les transferts de fonds pouvaient effectivement contribuer à la réduction de la pauvreté et au développement, les pays de la région devaient s’efforcer davantage d’en améliorer les effets positifs.
D’après la Banque mondiale, l’impact des transferts de fond sur le développement dépendra de leur continuité, laquelle dépendra du degré de facilité avec lequel l’argent peut être transféré. La Banque estime que si les frais de transaction étaient réduits ne serait-ce que de 5 %, les fonds envoyés dans les pays en développement augmenteraient de 3,5 milliards de dollars par an. Dans de nombreux pays, les transferts de fonds officiels sont coûteux et parfois lourdement imposés. Des chercheurs américains qui ont étudié les différents moyens de réduire les frais de transaction indiquent que ces coûts s’élèvent en moyenne à environ 12,5 % des sommes transférées, ce qui représente de 10 à 15 milliards de dollars par an.
Promouvoir les réseaux de transferts officiels
Il serait également intéressant pour les pays africains de promouvoir les réseaux de transfert officiels, par exemple en encourageant par diverses mesures incitatives les bénéficiaires à épargner davantage dans le cadre du secteur bancaire officiel. Pour rendre les transferts officiels plus attirants, les pays pourraient également offrir des taux de change favorables et mettre en place des systèmes bancaires fonctionnant bien. Dans certains pays, les banques officielles n’existent que dans les agglomérations urbaines, ce qui ne laisse aux habitants des zones rurales pas d’autre choix que de dépendre du secteur parallèle.
Certains pays ont adopté des approches novatrices, en proposant par exemple des services de transfert de fonds aux communautés d’émigrés se trouvant dans les pays industrialisés. A Paris (France), trois banques – la Banque de l’Habitat du Sénégal, la Banque de l’Habitat du Mali et la Banque des Ivoiriens de France – accordent des avantages aux citoyens de leurs pays respectifs, avec des taux inférieurs à ceux des intermédiaires du secteur privé. Résultat : ces banques effectuent environ 400 transferts de fonds par jour. En 1999, d’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), quelque 24 millions de dollars ont été transférés au Sénégal par le même moyen, ce qui représente environ 25 % de l’ensemble des transferts de fonds en direction de ce pays cette année-là.
Des ressources imprévisibles
L’argent que les travailleurs émigrés envoient chez eux est en grande partie destiné à la consommation des ménages, indique la Banque mondiale. Ces sommes servent à l’éducation, à la santé et à d’autres formes de développement du capital humain ou bien sont investies dans des terres, du bétail ou la construction de logements. “Une plus petite partie est affectée à des investissements comme l’épargne ou la création d’entreprise, ou le remboursement de dettes, par exemple des emprunts pour partir à l’étranger”, peut-on lire dans une étude de la Banque mondiale intitulée Migrant Labour Remittances in Africa: Reducing Obstacles to Developmental Contributions, réalisée par MM. Cerstin Sander et Samuel Maimbo.
Les économies qui dépendent trop des transferts de fonds pour financer le développement s’exposent cependant à certains risques, note l’OIM. Contrairement à l’aide, les transferts de fonds en direction des différents pays d’Afrique sont très variables et imprévisibles. De 1980 à 1999, les transferts en direction de l’Egypte ont varié d’une année à l’autre de 17 % en moyenne, ceux en direction du Cameroun, du Cap-Vert, du Niger et du Togo de plus de 50 % et ceux en direction du Botswana, du Ghana, du Lesotho et du Nigeria de plus de 100 %. Naturellement, les économies fortement tributaires de ces flux financiers sont frappées de plein fouet lorsque ces flux diminuent soudainement, et des familles peuvent du jour au lendemain se trouver démunies (…) Dans ces pays, le défi consiste à gérer les transferts de fonds, tout en diversifiant l’économie de façon à réduire la dépendance vis-à-vis de ces transferts ( …)
Pour la ministre des Affaires intérieures de l’Afrique du Sud, Novisiwe Mapisa-Nqakula, constituer un solide ensemble de recherches sur les questions ayant trait à la migration et au développement. Les données portant sur la mobilité des travailleurs qualifiés en Afrique et à l’extérieur de l’Afrique restent floues. Les relations complexes entre migrations internationales, formation, marchés de l’emploi et questions économiques et sécuritaires annexes n’ont pour la plupart pas été étudiées. Environ deux tiers des pays d’Afrique subsaharienne ne publient actuellement aucune donnée sur les transferts de fonds. Dans ces pays, investir dans des systèmes de suivi permettrait de comprendre la nature et la quantité de ces flux d’argent (…)
Un angle positif de l’émigration souvent ignoré
A l’échelle nationale, il convient, d’après les experts, d’élaborer des politiques cohérentes de migration et de développement et de les intégrer aux programmes de développement économique. Dans de nombreux pays, les documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté, qui constituent les principaux moyens de réduire la pauvreté, ne font aucune mention des migrations. La Banque mondiale, qui, avec le FMI, décide des prêts accordés aux pays en développement dans le cadre des documents de stratégie, a indiqué en mars 2004, que ces documents faisaient preuve d’une grande ambivalence vis-à-vis des migrations – soit en ne les considérant pas comme une question importante soit en n’abordant pas du tout le sujet.
L’étude des documents de stratégie réalisée par la Banque note que le plus souvent, lorsque les migrations économiques sont mentionnées, “elles sont jugées négatives”, de nombreux pays considérant qu’elles les privent de ressources humaines essentielles à leur développement. Seuls le Cap-Vert et le Sénégal mentionnent l’émigration sous un angle positif dans leur document de stratégie et proposent tous deux des stratégies visant à promouvoir les transferts de fonds et à faire participer les émigrés au développement national. Le Cap-Vert signale cependant que les transferts de fonds ont été réduits du fait de politiques restrictives des pays hôtes (…)
Les transferts de fonds représenteront 200 milliards de dollars par an en 2020
La Banque mondiale prédit que, en 2020, les transferts de fonds en direction des pays en développement atteindront chaque année 200 milliards de dollars. Les pays africains ne peuvent se permettent d’être les laissés-pour-compte de cette source de plus en plus importante de financement. D’après l’ancien ambassadeur des Etats-Unis au Nigeria, Howard Jeter, les économies de plus grande taille comme le Nigeria devraient montrer l’exemple en élaborant des politiques visant à faire participer et à faire appel à leurs citoyens vivant à l’étranger.
“La diaspora africaine recèle de très riches compétences financières, techniques et intellectuelles, explique-t-il. L’Afrique doit exploiter ces ressources humaines et matérielles en vue de remédier aux défis que posent le développement, la dégradation de l’environnement, la sécurité alimentaire, l’approvisionnement énergétique, le VIH/sida et la croissance économique équitable.”
Par Gumisai Mutume
ONU Afrique Renouveau