Au bout de 20 ans de carrière musicale, les chansons de Blick Bassy ont conservé leurs fortes influences traditionnelles. Le guitariste camerounais a choisi la langue bassa pour son second album solo, Hongo Calling, sorti en avril dernier. Il y retrace le parcours du hongo, rythme traditionnel de l’ethnie bassa qui a voyagé sur la route des esclaves de l’Afrique jusqu’au Brésil. Interview de l’artiste.
Un globe-trotteur. Le chanteur camerounais Blick Bassy aime parcourir les pays du monde à la recherche de tonalités traditionnelles. De cette quête est née Hongo Calling, son second album solo sorti en avril dernier. Cet opus constitue le cheminement de l’artiste de 37 ans sur les traces du hongo, une musique traditionnelle bassa, ethnie dont il est issu. Blick Bassy a choisi sa langue natale pour conter dans son album les péripéties des esclaves déportés du continent africain vers les Amériques et pour d’autres raisons qu’il développe dans cette interview accordée à Afrik.com.
Afrik.com : Parlez nous de votre parcours…
Blick Bassy : J’ai connu très tôt la musique. Ma mère était chanteuse. Jeune, j’ai chanté dans une chorale. Comme j’étais un enfant difficile, j’ai été envoyé 3 ans dans un village au Cameroun. Là j’ai eu un déclic. Après le bac, j’ai formé le groupe The Jazz Crew avec des amis. J’ai participé à la formation du groupe Macase qui a duré dix ans. Il a remporté de nombreux prix. A partir de 2005, je me suis lancé dans une carrière solo. Je me suis installé à Paris. En 2009, j’ai sorti mon premier album solo intitulé Léman et Hongo Calling, le dernier est sorti en avril.
Afrik.com : Quel genre de musique produisez-vous ?
Blick Bassy : De la musique contemporaine africaine. C’est un mélange de toutes les musiques qui ont accompagnées mon enfance. Que ce soit le bikutsi, la rumba congolaise, le bolobo. Il s’agit de la musique traditionnelle avec des influences étrangères, notamment la soul. Ce sont les influences normales d’un jeune de ma génération qui n’a grandi qu’avec la radio et n’a connu la télévision qu’à partir des années 85, puis les médias et internet. C’est un cheminement qui va de l’isolement à l’ouverture. Des choses qui viennent à nous puis vers qui l’on va.
Afrik.com : Pourquoi avoir choisi de chanter en langue bassa ?
Blick Bassy : Pour plusieurs raisons. Le français n’est pas nécessairement le meilleur moyen de rencontrer des gens dans mon métier. Les chanteurs les plus connus comme Yousso N’Dour sont des personnes qui chantent dans leur langue et sont bien accueillis. Sur le plan des valeurs, je viens du Cameroun où il ya plus de 230 tribus, mais pas de langue traditionnelle importante comme c’est le cas par exemple du wolof au Sénégal. Ma démarche est celle de tirer la sonnette d’alarme, pour ne pas perdre nos traditions et nos coutumes. Il s’agit de dire aux gens de ma génération de proposer ce qui vient de chez nous. Musicalement parlant, chaque langue a une intonation qui lui est propre. C’est le rythme bassa que j’ai à proposer, plutôt que de faire ce qui a déjà été fait. Sinon le langage de la musique est un langage universel.
Afrik.com : Pouvez-vous nous dire de quoi parle l’album ?
Blick Bassy : C’est un album conceptuel. Hongo Calling signifie l’appel du hongo. Le hongo est une musique bassa qui est jouée lors d’évènements traditionnels comme le mariage, les décès, les guérisons, etc. C’est un rythme cousin du siko, autre rythme bassa plus connu. Cet album retrace le parcours de cette musique qui est le hongo et qui est présente dans divers pays d’Afrique jusqu’au Brésil. La démarche au départ était de comprendre pourquoi ce rythme est présent dans tous ces pays. J’ai pour cela discuté avec des chanteurs brésiliens à Rio, où j’ai enregistré l’album. Le hongo trace le chemin de l’esclavage. Chaque chanson de mon album est une étape de ce périple. La première, « Liké », retrace le conseil des anciens avant le départ. « Nyango » est une chanson d’au revoir au bien aimée. « Likanda » veut dire le carrefour, c’est-à-dire le choix de tous les jours. J’ai à chaque fois tenté de rentrer dans la peau de l’esclave.
Afrik.com : Comment décririez-vous l’album rythmiquement ?
Blick Bassy : De mon strict point de vue, il s’agit d’un album riche. J’ai voulu rendre public des rythmes traditionnels comme le hongo, le siko, la samba. Toutes ces musiques sont très proches. Les différences n’apparaissent que lors du premier temps. On retrouve par exemple le rythme bolobo à Madagascar ou encore au Sénégal, mais sous des noms différents. En fait, il s’agit du même rythme auquel l’on a ajouté des ingrédients propres de chaque culture.
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