Chers lecteurs et lectrices : je vous propose un exercice d’aérobics des neurones : pensez un instant à un noir ou une noire (afrodescendantes) et vous verrez que le résultat est évident: nous viennent à l’esprit des boxeurs, des footballeurs, des danseuses, nous pensons au travail, aux esclaves, au sexe, à la paresse, aux basketteurs. En effet, certains pensent que NBA signifie « Negros bien altos » (Noirs bien grands)
Je vous assure que vous n’avez pas pensé à Barack Hussein Obama II, quarante-quatrième président des États-Unis d’Amérique. Ni à Colin L. Powell, président de l’État-major Conjoint durant la Guerre du Golfe. Peut-être avez-vous pensé à Jesse Jackson, sénateur démocrate? À Martin Luther King, prix Nobel de la Paix ? Malcolm X et la Nation de l’Islam? Bobby Seale et Huey P. Newton, fondateurs du « pacifique » mouvement des Panthères Noires?
Bien, peut-être est ce parce qu’ils sont afroaméricains « étrangers« . Vous êtes probablement de ceux qui en entendant le mot « noir » pensent immédiatement avec la ferveur nationaliste à Luis Moore, général de la Police Nationale ou à José Prudencio Padilla, héros des batailles de Trafalgar et Maracaibo et fondateur de négrissime Armée Nationale. À coup sûr, vous pensez à Manuel Saturio Valencia, poète du Chocó et dernier fusillé en Colombie avant l’abolition de la peine de mort, ou à Diego Luis Córdoba, qui s’est battu pour le respect de la population « noire » et pour la naissance du Chocó en tant que département.
Ne vous sentez pas mal suite à l’autoévaluation qui précède. En Colombie nous ne pouvons que conclure simplement que les noirs n’existent pas dans nos têtes. Ils sont invisibles.
Il s’agit là d’une véritable forme de discrimination À Ad portas de la célébration du Bicentenaire, comment est-il possible que les afrodescendants soient inexistants? Comment? Si le premier homme libre en Amérique fut noir. Si la première localité des Amériques fut noire. Si la première nation libre d’Amérique Latine dut noire. Si notre Indépendance a été obtenue grâce aux ressources humaines et économiques des africains qui vivaient en Amérique.
Pour des raisons d’espaces pour cette colonne, je les énumérerai pour que, chers lecteurs et lectrices, vous le sachiez, le consultiez et que vous découvriez cette autre histoire que les historiens officiels ne se sont pas gênés de diffuser.
Benkos Domingo Biohó fut le premier homme libre d’Amérique, qui à force de rébellion devint marron, comme les animaux domestiques qui retournent dans le bois. Il fonda le Palenque de Matuna 150 ans avant les mouvements « comuneros« . Le Roi d’Espagne, pour éviter d’autres affrontements et défaites, lui octroya la liberté par le biais d’un Brevet Royal et en 1621, il est trahi et démembré à Cartagena. Il ne fut pas le seul : Bayano au Panamá, Negro Miguel au Venezuela, le Roi Yanga au Mexique, le Roi Zumbi au Brésil, eux tous ont pris les armes et se sont soulevés près de 250 ans avant nos luttes bicentenaires que nous célébrons aujourd’hui pompeusement.
Benkos démembré, sa femme Wiwa, prit les armes et avec des enfants Orika et Sando, ils fondèrent San Basilio, le seul palenque qui survit de nos jours, à 50 km de Cartagena et où l’on parle une langue déclarée patrimoine universel par l’Unesco, du fait qu’il est l’unique dialecte « criolle » (créole) dont la base est l’espagnol et non l’anglais (comme à San Andrés) ou le français (comme en Haïti). San Basilio allait obtenir son indépendance par Brevet du Roi d’Espagne cent ans avant notre célèbre proclamation du 20 juillet.
Et la première nation libre, Haïti, 20 ans avant les nations bolivariennes. De plus, le général Petión, qui dirigeait l’île, finança Francisco Miranda et offrit l’asile à deux reprises le vaincu Bolívar, et lui fournit des navires pour combattre l’armée espagnole, ainsi que des armes et des équipements. Notre liberté fut payée avec l’argent des anciens esclaves haïtiens qui ne demandèrent qu’en échange la libération des esclaves sur le continent. Cette promesse ne fut pas tenue. La liberté bicentenaire n’était pas pour tout le monde, elle ne l’était que pour les créoles. À cause de cet inaccomplissement, le général Padilla se rebella et mourut lors de « nuit noire un mois de septembre« .
Nous devons en grande partie notre indépendance à la race noire, aux afrodescendants trahis, oubliés, invisibles …
Par RICARDO CADAVID – Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga