L’hémorragie de la « fuite des cerveaux » africains


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Chercheurs, informaticiens, médecins, personnels hautement qualifiés, l’Afrique se vide de sa matière grise et de ses compétences. La fuite des cerveaux est un des maux endémiques du continent. Un préjudice subi au profit de l’Occident qui récupère les bénéfices de longues années de formation.

De notre partenaire Afrique Relance, ONU

La Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estiment qu’entre 1960 et 1975, 27 000 Africains ont quitté le continent pour les pays industrialisés. De 1975 à 1984, ce chiffre a atteint 40 000. On estime que depuis 1990, chaque année 20 000 personnes au moins quittent le continent.

Les professionnels africains tendent à émigrer en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. Les crises économiques et politiques qui s’abattent sur le continent depuis quelques décennies dissuadent un grand nombre de rentrer au pays. Crises économiques, taux de chômage élevé, violations des droits de l’homme, conflits armés et manque de services sociaux adaptés, tels la santé et l’éducation, figurent parmi ces facteurs de dissuasion.

Perte de main d’œuvre qualifiée

La fuite des cerveaux se produit, dit-on, lorsqu’un pays perd sa main d’oeuvre qualifiée en raison de l’émigration. Le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) note qu’en Afrique, l’élément le plus frappant est l’exil des médecins. Au moins 60 % des médecins formés au Ghana dans les années 80 ont quitté le pays.

Les pays industrialisés ont de plus en plus besoin de deux catégories d’immigrés : ceux qui sont prêts à accepter des emplois mal payés, durs et dangereux, dédaignés par leurs propres ressortissants, et des professionnels hautement qualifiés, tels les experts en logiciels, les ingénieurs, les médecins et le personnel infirmier. Il manque actuellement 126 000 infirmiers aux Etats-Unis et les chiffres officiels montrent que le déficit en infirmiers qualifiés pourrait atteindre 800 000 d’ici à 2020.

Stopper l’hémorragie

En raison de ces déficits, les pays industrialisés se sont lancés dans de grandes campagnes de recrutement à l’étranger. L’Afrique du Sud a récemment demandé aux pouvoirs publics canadiens qu’ils arrêtent de recruter leur personnel médical qualifié. Dans la province rurale du Saskatchewan, au Canada, plus de 50 % des médecins ont été formés à l’étranger, et au moins un cinquième des 1 530 médecins de la région ont obtenu leur premier diplôme de médecine en Afrique du Sud. D’après le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, il est clair que la coopération internationale est nécessaire. « Les choix faciles ou les solutions simples n’existent pas », dit-il.

Ce phénomène « pèse d’un poids très lourd sur le continent », note Mme Ndioro Ndiaye, Directrice générale adjointe de l’OIM. Pour compenser le manque d’effectifs qualifiés, les pays africains consacrent chaque année environ 4 milliards de dollars à l’emploi d’environ 100 000 expatriés non africains. « Il est grand temps de mettre en place des programmes et des politiques qui inverseront les effets dévastateurs de la fuite des cerveaux », dit-elle.

Prise de conscience politique

Jusqu’à récemment, les pouvoirs publics africains ne semblaient pas s’inquiéter outre mesure du déficit de main d’oeuvre qualifiée, tandis que les organismes de financement du développement aggravaient souvent le problème en obligeant les pays bénéficiaires à engager des expatriés étrangers comme condition à l’octroi de prêts. De plus, les hommes politiques disaient de leurs compatriotes ayant choisi de travailler et de vivre à l’étranger qu’ils n’étaient pas de bons patriotes. Mais la montée en flèche de l’émigration de personnes qualifiées et les graves carences du continent sur le plan des ressources humaines en ont conduit plus d’un à changer d’avis.

Mais ces déclarations d’intention doivent se traduire par des actes et des problèmes plus profonds devront être résolus avant que la fuite des cerveaux ne puisse être jugulée. Nombre d’Africains sont très désireux de rentrer chez eux et de participer au développement, mais leurs aspirations sont « sérieusement compromises par des pouvoirs publics négligents dont les priorités … ignorent le bien-être social », dit M. Kwaku Asante Darko, conférencier à l’Université nationale du Lesotho. M. Darko, qui est ghanéen, indique que tant que les facteurs conduisant à l’émigration persisteront, il « serait catastrophique » de penser résoudre le manque d’effectif sur le continent par un retour immédiat au pays des Africains qualifiés.

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