L’expulsion, la semaine dernière, d’une Ghanéenne atteinte d’un cancer en phase terminale a ému les Britanniques. Pour appliquer cette décision, le ministère de l’Intérieur s’est pourtant appuyé sur le fait que son cas n’était pas exceptionnel. En France aussi, les autorités se sont récemment signalées en expulsant des étrangers malades contre l’avis même des inspecteurs de la santé publique.
« La Grande-Bretagne a commis un acte de barbarisme atroce ». C’est le très respecté hebdomadaire de médecine The Lancet qui l’affirme dans un éditorial, après la reconduite au Ghana, le 9 janvier, d’une jeune femme en situation irrégulière atteinte d’un cancer. Ama Sumani, 39 ans, est arrivée il y a cinq ans au Pays de Galles avec un visa étudiant qu’elle a perdu en 2005 lorsqu’elle a pris une activité salariée. Veuve et mère de deux enfants élevés au Ghana, elle était sans-papiers lorsqu’elle a été hospitalisée et mise sous dialyse, en janvier 2006, pour un cancer qui avait endommagé ses reins. Elle avait fait une demande exceptionnelle de visa devant le Home Office (ministère de l’Intérieur), sur des bases humanitaires, arguant du fait qu’elle ne pourrait payer ses soins au Ghana, qui a été rejetée.
Un cas comme un autre
« Je pense qu’il est difficile de déterminer dans quelles circonstances cette affaire se distingue de nombreux cas très difficiles que nous considérons, a plaidé la directrice de l’Agence des frontières et de l’immigration (Border and Immigration agency), Lin Homer, devant le ministère de l’Intérieur. Nous voyons passer de nombreux cas pour lesquels le pronostic médical serait nettement moins bon dans les pays d’origine ». Auparavant, un représentant diplomatique ghanéen avait indiqué aux autorités que son pays disposait de deux hôpitaux capables de prendre en charge la patiente à Accra, et d’un autre à Kumasi (nord), tout en admettant que les soins étaient coûteux. Dans un premier temps, Ama Sumani n’avait pu s’acquitter des 6 000 $ réclamés par le principal hôpital de la capitale ghanéenne pour trois mois de traitement. Mais cette somme a finalement été réglée grâce au don d’une resortissante néerlandaise vivant aux Pays de Galles, selon la BBC.
The Lancet appelle désormais les grands noms de la médecine britannique à se prononcer sur ce cas, qui n’est pas isolé, et à le dénoncer. La revue médicale, qui se rapporte à un éditorial du mois de décembre, rappelle que le gouvernement projette de mettre fin au droit pour les demandeurs d’asile déboutés d’accéder aux soins médicaux offerts par les services de santé nationaux (National Health Service, NHS). Une « proposition insensée » qu’elle dénonce comme « non éthique » et qu’elle appelle le gouvernement à retirer.
En France aussi…
En France, depuis sa mise en place en 1999, l’accès à l’Aide médicale d’Etat (AME), destinée aux étrangers ne pouvant bénéficier de la Couverture maladie universelle (CMU), a été restreint par des réformes successives adoptées en 2003 et 2005. Les médecins et associations œuvrant sur le terrain ne cessent encore aujourd’hui de dénoncer leurs effets pervers. Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur s’est signalé en 2007 en reconduisant à la frontière de nombreux étrangers malades, contre l’avis même des inspecteurs de la santé publique.
Ce fut le cas, en janvier, d’un Comorien retenu au centre de rétention du Mesnil-Amelot. Le médecin avait indiqué à la Préfecture de Seine et Marne que le traitement nécessaire à l’état de santé de l’individu n’était pas accessible aux Comores et que son expulsion pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité. Cela n’avait pas empêché les forces de police d’exécuter la reconduite.
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