Mongo Beti, Ahmadou Kourouma, Sembène Ousmane, Mehdi Charef, Ousmane Saw… la liste est longue. Très longue. Tous ont souffert, souffrent de l’exil. Des exils. Comment trouver son public quand il est double ? Public riche, consommateur, cultivé : Occident. Public pauvre, illettré mais très intéressé – surtout principale cible – : Afrique. Comment raconter une histoire, avec un livre ou un film…, qui puisse contenter les deux destinataires ? C’est à un exercice de funambule que les artistes africains se soumettent lors de chacune de leur création. Un jeu schizophrénique. Difficile de rendre visible, lisible, une réalité complexe sans tomber dans la facilité, les stéréotypes. Nombreux sont ceux qui ont cédé à la facilité. Dans la chanson » world « , il est quelquefois dérisoire de tenter de trouver des notes authentiques dans le déluge uniforme.
Public de raison et public de coeur. Pour qui écrivent les auteurs africains, pour qui filment les cinéastes africains, pour qui chantent les interprètes africains ? La question est lancinante, angoissante. Le » produit » africain a plus de chance d’être commercialisé, de connaître un quelconque succès en Europe, que dans son pays d’origine.
Ce n’est pas par hasard que Paris est la capitale intellectuelle de l’Afrique, notamment de l’Afrique francophone. Les cinéastes continentaux se plaignent que leurs films soient boudés – quand ils sont programmés – par le public local. Mais ces films lui sont-ils destinés réellement ? Ceux primés dans les principales capitales occidentales, comme Les années de braise de Mohamed Lakhdar Hamina, primé à Cannes, passent inaperçus dans leur pays d’origine.
Les Etats africains se méfient de leurs élites. Elles les tiennent à l’écart de la chose publique. D’où l’absence totale de politique culturelle. D’où l’exil intérieur des artistes, coupés de leur public. Et, malgré toutes les bonnes volontés du monde, la situation a très peu de chance d’évoluer rapidement.