L’excision est un fléau. L’étude, publiée mardi, de deux chercheuses françaises de l’INED (Institut national d’études démographiques) Armelle Andro et Marie Lesclingand, fait le point sur la situation des femmes excisées en Afrique et en France. L’occasion de revenir sur un sujet qui demeure, encore aujourd’hui, tabou. Armelle Andro a accordé un entretien en Afrik.com.
Un cri d’alarme lancé contre l’excision. C’est le message qui sous-tend l’étude de deux chercheuses de l’INED, Armelle Andro et Marie Lesclingand. Leur rapport intitulé « Les mutilations sexuelles féminines : le point sur la situation en Afrique et en France » fait état d’un nombre important d’excisions. Dans le monde, entre 100 et 140 millions de femmes ont subi des mutilations sexuelles tandis qu’en France on recense 53 000 femmes excisées. La chercheuse Armelle Andro, revient sur la pratique de l’excision et dresse un compte rendu de la situation des femmes excisées en Afrique et en France.
Afrik : Comment en êtes vous venue à traiter un tel sujet ?
Armelle Andro : Je pense qu’il faut faire évoluer les mentalités. Le meilleur moyen pour y arriver étant de développer des connaissances sur un sujet qui reste, encore aujourd’hui, très mal connu. Cette étude s’inscrit dans un mouvement de mobilisation contre l’excision. En effet, les institutions internationales et gouvernementales en Afrique prennent de plus en plus conscience de la gravité de ce fléau.
Afrik : Comment l’excision est-elle perçue en Afrique ?
Armelle Andro : Cela dépend du pays. Si c’est un pays à risques comme la Guinée ou encore le Mali, l’excision est perçue comme normale.
L’excision rendrait les femmes fidèles et leur permettraient de réduire le nombre de fausses couches. Dans les familles, une femme excisée aurait moins de difficultés pour son avenir. Il nous faut lutter contre ces fausses vérités qui participent à la continuité de cette pratique.
Afrik : Et en France ?
Armelle Andro : En France, il y a eu un véritable appel contre l’excision dans les années 80. C’est à cette époque que les procès d’exciseuses se sont multipliés. Même si la France se pose contre les mutilations sexuelles, elle ne donne pas les moyens aux médecins et aux sages-femmes de combattre ce fléau. En effet dans les écoles de médecine ou de sages-femmes, aucun module sur l’excision n’existe. La chirurgie réparatrice qui reforme les clitoris excisés n’est pas une solution pour toutes les femmes, des crèmes peuvent être prescrites pour rendre les rapports sexuels moins douloureux. Il s’agit de former un personnel compétent qui pourra accorder un soutien autant psychologique que médicale aux femmes excisées.
Afrik : On pense à tors que l’excision est obligatoirement liée à l’Islam, comment peut-on alors expliquer sa pratique en Afrique et à fortiori en France ?
Armelle Andro : Dans chaque société, subsistent des rites de passage qui marquent le changement de statut social ou sexuel d’un individu. L’excision est malheureusement un rite de passage.
Afrik : On voit souvent en Afrique des campagnes non plus contre l’excision mais autour des mesures hygiéniques obligatoires inhérentes à l’excision, qu’en pensez-vous ?
Armelle Andro : Je déplore cet état de fait. En Egypte, l’excision peut se faire par des médecins en milieu hospitalier. Ce genre de pratique ne participe pas à l’éradication de ces mutilations mais plutôt les autorisent.
Afrik : En Afrique, quelle position les Etats doivent-il adopter face à ces mutilations sexuelles ?
Armelle Andro : En Afrique, on est en train de mettre en place une politique de prévention permanente dans les milieux scolaires. Au Burkina Faso, on assiste à un véritable travail dans les écoles primaires. On essaye de faire comprendre aux jeunes garçons et aux jeunes filles pourquoi l’excision doit être stoppée. C’est grâce à cette nouvelle génération en marche qu’on arrivera à faire changer les mentalités sur cette pratique. Néanmoins, des efforts de persuasion restent encore à faire, pour ne pas faire de cette politique de prévention un acte isolé.
Photo : Deux fillettes guinéennes après une cérémonie d’excision. Image tirée du film Dabla-Excision, réalisé par Érica Pomerance, 2003.