Le chorégraphe Farid Ounchiouene adapte L’Etoile d’Alger d’Aziz Chouaki dans un mélange détonnant de danse et de théâtre.
Moussa Massy, c’est le looser magnifique d’Aziz Chouaki. Dans L’Etoile d’Alger, l’auteur algérien raconte avec tendresse (mais sans concessions) le parcours de cet enfant de la Cité Mer et Soleil, qui rêve d’être le Michael Jackson d’Alger. Et dont l’espoir se retrouve broyé par la violence des années 90 : la misère quotidienne (chômage, coupures d’eau, 13 personnes à vivre dans 2 pièces…), les jeunes qui s’assomment à coup de joints et de zombretto (mélange local d’alcool), les amours contrariées et la montée inexorable de l’islamisme. A cet univers en délabrement (tant physique que moral, tant social que politique), Moussa Massy tente d’opposer paillettes et show-biz.
Pour interpréter ce personnage attachant, Farid Ounchiouene mouille la chemise, au sens propre comme au sens figuré. Le jeune danseur, chorégraphe et metteur en scène, à la tête de la compagnie Farid’O depuis 2002, habille le personnage d’une magnifique énergie. Dans un mélange réussi de théâtre, danse et même rap, il fait valser les mots d’Aziz Chouaki. Il donne corps à cette langue si singulière du romancier, mélange de dureté et de douceur. A l’image de l’Algérie. Dans ce pas de deux tragique, il est accompagné par la danseuse Pauline Geslin qui interprète avec brio les autres personnages.
Ondes sensuelles
La chorégraphie est fluide, mixant habilement hip hop et danse contemporaine. S’en dégage une réelle sensualité, notamment lors de la première séquence dansée, lorsque Moussa s’endort sur son matelas de mousse, en rêvant de Wahiba, la belle voisine fantasmée. Les deux danseurs offrent un beau moment de partage et d’émotion. La chorégraphie épouse ensuite les états d’âme de Moussa, de la danse-fumette, hachée et désarticulée, à la danse-romantique, avec sa fiancée, Fatiha, à la danse-boîte de nuit avec les tchi-tchi (filles de riches)… La musique, composée par Omur H., est très présente, soulignant les émotions, et une voix off renforce la mise en scène. Pourquoi Farid Ounchiouene a choisi de danser l’histoire de Moussa ? « D’une certaine façon, même si mon parcours personnel n’a rien à voir, je me reconnais en lui. J’ai l’impression, ici en France, d’être son alter ego. Nous partageons le même espoir et la même ambition de devenir une star. Cette histoire entre aussi en résonance avec mes racines familiales, avec mes parents. Ayant vécu en France, j’ai été coupé de l’Algérie et j’avais envie de me confronter à mes origines », explique-t-il.
Sur scène, on regarde cet homme tomber. Bientôt, Moussa est lui aussi rattrapé par le « dégoûtage qui déchiquète avec soin la peau des rêves ». Si le livre se passe dans les années 90, évoquant la victoire électorale des islamistes et les prémices de la « décennie noire », la pièce proposée ici prend une résonance particulière, avec l’actualité des révolutions arabes et les législatives prévues en mai prochain en Algérie. « C’est comme ça que tu deviens islamiste : quand tu fatigues. Quand tu fatigues de rêver, d’aimer… de vivre. » Plus que jamais d’actualité.
L’Etoile d’Alger de Farid’O/Aziz Chouaki
_Jusqu’au 26 février à La Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris
http://www.maisondesmetallos.org/
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