L’Éthiopie vote lundi sans le Tigré : Abiy Ahmed vers une légitimité… parcellaire


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Abiy Ahmed, Premier ministre éthiopien
Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed

Initialement prévues pour août 2020, les élections législatives et régionales en Éthiopie se tiendront finalement le lundi 21 juin, dans un contexte de conflits qui sévissent dans certaines régions du pays, notamment le Tigré.

Elles vont finalement se tenir lundi, les fameuses élections législatives et régionales en Éthiopie. Ces élections devaient normalement avoir lieu en août 2020. Mais la décision de leur report sine die prise par la Commission électorale, en mars 2020, pour cause de pandémie et de difficultés d’organisation, a été le point de départ de la tension entre le TPLF et le gouvernement fédéral. Pour les Tigréens, déjà frustrés par les réformes d’Abiy Ahmed qui leur avaient fait perdre de leur influence trentenaire sur la vie politique éthiopienne, il n’était pas question de repousser d’un seul jour ces élections devant permettre de renouveler la Chambre des représentants, la Chambre de la fédération et peut-être de changer de Premier ministre, et d’avoir par conséquent un nouveau gouvernement fédéral.

Le 9 septembre 2020, le TPLF, parti au pouvoir au Tigré viola l’interdiction du gouvernement fédéral et organisa les élections régionales dans la province. Pis, pour les responsables de ce parti, le Premier ministre, Abiy Ahmed, n’était plus légitime à la date du 5 octobre 2020 où devait normalement s’achever son mandat. Il n’y a « plus de gouvernement fédéral, c’est-à-dire plus de Chambre des représentants, de Chambre de la fédération, de Premier ministre, de cabinet. Ils n’existent plus », avait déclaré Getachew Reda, un membre du comité exécutif du TPLF.
Un mois plus tard, s’est déclenché la guerre qui continue d’opposer le régime d’Addis-Abeba au TPLF. C’est donc en plein conflit que les autorités éthiopiennes ont décidé d’organiser ces élections.

Le parti d’Abiy Ahmed grand favori d’un scrutin non inclusif

Mercredi dernier, dernier jour de la campagne électorale, le Premier ministre, Abiy Ahmed, a rassuré les uns et les autres sur le fait que les élections seraient pacifiques. Mais dans la réalité, ce scrutin va se dérouler dans des conditions exceptionnelles, puisqu’avec le conflit au Tigré et les violences intercommunautaires qui jalonnent le pays, près d’un cinquième des 547 circonscriptions du pays ne pourra y prendre part : les élections sont reportées au 6 septembre dans 64 circonscriptions, tandis que dans les 38 circonscriptions du Tigré, elles sont reportées à une date ultérieure.

Le Parti de la prospérité d’Abiy Ahmed est en position de super favori pour ces premières élections organisées par le Premier ministre depuis son arrivée à la tête du gouvernement fédéral, en 2018. Le Prix Nobel de la paix 2019 voudrait, par ce scrutin, donner une légitimité populaire à son pouvoir. Mais une légitimité sans doute parcellaire, en raison, non seulement de l’exclusion de certaines régions du jeu électoral, mais également du boycott des élections par certains partis comme le Front de libération oromo (OLF) et le Congrès fédéraliste oromo (OFC). Ces deux partis d’opposition issus de l’Oromia, région d’origine d’Abiy Ahmed, ont accusé le gouvernement fédéral d’avoir notamment emprisonné certains de leurs responsables.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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