Une page d’histoire s’est tournée ce lundi dans la Corne de l’Afrique. L’Éthiopie et Djibouti ont scellé un accord historique, offrant à la nation enclavée un accès maritime tant convoité via le port de Tadjourah. Situé à seulement 100 kilomètres de leur frontière commune, ce nouvel axe commercial promet de bouleverser l’échiquier économique et géopolitique de la région.
Depuis la sécession de l’Érythrée en 1991, l’Éthiopie, privée de sa façade maritime, dépendait quasi exclusivement des infrastructures portuaires de Djibouti. Ce petit État voisin, distant de moins de 800 kilomètres d’Addis-Abeba, traite actuellement près de 90 % du commerce extérieur éthiopien, représentant un volume d’exportations avoisinant les 3,6 milliards de dollars en 2022. Cette dépendance s’est avérée être un talon d’Achille pour l’économie éthiopienne, alourdissant les coûts logistiques et exposant le pays aux aléas géopolitiques.
L’accord conclu lundi entre les deux pays va permettre une gestion conjointe du port. Le port de Tadjourah, niché dans le golfe d’Aden, offre un accès direct aux marchés asiatiques et moyen-orientaux. Pour l’Éthiopie, dont l’économie repose largement sur l’exportation de produits agricoles comme le café, le sésame et le teff, ainsi que sur une production industrielle en plein essor, cette diversification des routes commerciales est vitale.
Un pari sur l’avenir
Avec une population dépassant les 120 millions d’habitants, l’Éthiopie s’est imposée comme la deuxième économie d’Afrique de l’Est. Son taux de croissance impressionnant, oscillant entre 8 et 10 % au cours de la dernière décennie, a accentué le besoin de diversifier ses voies d’accès au commerce mondial. En début d’année, en négociant directement avec le Somaliland, l’Éthiopie s’était aventurée sur un terrain diplomatique délicat, notamment vis-à-vis de la Somalie qui revendique toujours sa souveraineté sur cette région. Mais cet accord avait aussi crée une tension dans les relations avec Djibouti, son partenaire historique de l’Éthiopie pour son commerce maritime.
En effet, le Somaliland, malgré son statut international ambigu, offre une stabilité relative dans une région tourmentée, mais son territoire est toujours revendiqué par la Somalie. Pour Addis-Abeba, ce partenariat renforcé avec Djibouti représente donc une opportunité de réduire les risques géopolitiques tout en exploitant le potentiel sous-exploité du port de Tadjourah.
Cependant, le port de Tadjourah, bien que stratégiquement positionné, nécessite des investissements colossaux pour être à la hauteur des ambitions éthiopiennes. Sa capacité actuelle, bien que non négligeable, reste modeste comparée aux besoins d’une économie en pleine expansion. Le développement des infrastructures portuaires et routières, en particulier les liaisons terrestres vers les grands centres urbains éthiopiens, sera crucial pour maximiser les bénéfices de cet accès maritime.
L’accord Éthiopie-Djibouti marque indéniablement le début d’une nouvelle ère pour le commerce régional. Il offre à l’Éthiopie une bouffée d’oxygène économique tout en redistribuant les cartes géopolitiques dans la Corne de l’Afrique. Dans une région où l’instabilité reste une préoccupation majeure, cet accord pourrait bien être le catalyseur d’une nouvelle dynamique de coopération et de prospérité partagée.