L’Ethiopie au bord d’une guerre civile ?


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Abiy Ahmed
Abiy Ahmed

En Ethiopie, la tension a atteint son niveau le plus élevé entre le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) et les autorités fédérales. Très tôt ce matin, le Premier ministre, Abiy Ahmed, a fait une déclaration pouvant amener à craindre le pire.

Il sonnait environ 2 heures du matin, heure locale, lorsque le Premier ministre éthiopien a fait une publication sur Twitter et Facebook, une déclaration de guerre, à la limite : « Le TPLF a attaqué un camp militaire (fédéral) dans le Tigré (…) Nos forces de défense ont reçu l’ordre (…) d’assumer leur tâche de sauver la nation. Le dernier stade de la ligne rouge a été franchi ».

Dans une intervention télévisée, Abiy Ahmed a précisé plus tard que les attaques ont eu lieu à Mekele, capitale du Tigré, et à Dansha, une ville située à l’Ouest de cette région éthiopienne. Selon le Premier ministre, l’attaque de Dansha, qui a fait « de nombreux morts, des blessés et des dégâts matériels », a été repoussée par les forces de l’ordre de la région voisine d’Amhara.

Le désaccord entre les autorités du Tigré et le gouvernement fédéral a commencé avec le report, sine die, pour cause de Covid-19, des élections nationales censées avoir lieu en août dernier, et qui a entraîné la prorogation du mandat des députés, et par ricochet, celui du Premier ministre. Le TPLF, parti au pouvoir au Tigré s’était désolidarisé de cette décision, allant même jusqu’à organiser ses élections régionales en septembre, contre l’avis du gouvernement fédéral.

Depuis lors, les responsables politiques du Tigré ont clairement déclaré le gouvernement fédéral illégitime et ont indiqué qu’ils ne se sentaient plus concernés par ses décisions. Dans la foulée, le 6 octobre 2020, le Sénat a voté la rupture des contacts entre les autorités fédérales et les leaders tigréens du TPLF. Dans cette logique de bras de fer, les Tigréens ont renvoyé, vendredi dernier, un général nommé par le gouvernement fédéral pour prendre poste dans la région, sous prétexte que « sa nomination ne serait pas considérée comme légitime ».

Avec cette dernière sortie médiatique du Premier ministre, le pire est à craindre. Un affrontement entre les deux camps serait désastreux pour le pays lorsqu’on sait qu’en raison de la guerre avec l’Erythrée (1998-2000), le Tigré concentre « plus de la moitié de l’ensemble du personnel des forces armées et des divisions mécanisées » du pays, selon un rapport du centre de réflexion International Crisis Group (ICG) publié vendredi dernier.

Comptant sur ces atouts, les Tigréens se disent prêts pour l’affrontement. « Je pense que, quand on en vient à la mobilisation militaire, il ne s’agit pas d’un jeu d’enfants. Et cela peut déclencher une guerre totale, vous voyez ? Et ce qu’ils font, c’est jouer avec le feu, vous voyez. Tout peut arriver, à tout moment. Une petite étincelle peut enflammer toute la région. Donc je pense que nous sommes en alerte et je peux assurer que nous sommes capables de nous défendre », a confié à l’AFP, Wondimu Asamnew, un haut responsable tigréen qui a, par ailleurs, fait observer que le gouvernement fédéral était en train de positionner des troupes à la frontière tigréenne.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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