L’Étau se resserre sur Wagner avec l’arrestation de deux influenceurs russes au Tchad


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Influenceurs russes arrêtés au Tchad
Influenceurs russes arrêtés au Tchad

L’arrestation de Maksim Shugaley et Samir Seïfan, deux agents présumés du groupe Wagner au Tchad, marque une rupture dans l’expansion de cette organisation paramilitaire russe en Afrique. De la Libye au Mali, en passant par la Centrafrique et le Soudan, Wagner a tissé une toile d’influence complexe sur le continent depuis 2017. Cette affaire pourrait annoncer un réajustement des stratégies d’implantation de Wagner et une vigilance accrue des pays africains face à ces acteurs extérieurs.

L’arrestation de Maksim Shugaley et Samir Seïfan au Tchad repose la question du poids et de l’influence du groupe Wagner, une organisation militaire privée russe dont l’influence en Afrique ne cessait de croître depuis plusieurs années. Cet événement s’inscrit dans une histoire complexe d’expansion et d’influence sur le continent.

Le groupe Wagner a fait ses premiers pas en Afrique en 2017, lorsqu’il a commencé à opérer en Libye en soutien au maréchal Khalifa Haftar. Depuis lors, sa présence s’est rapidement étendue à travers le continent. En 2018, le groupe s’est déployé en République centrafricaine, officiellement pour former les forces armées locales et protéger le président Faustin-Archange Touadéra. L’année suivante, sa présence a été signalée au Soudan, où le groupe aurait aidé à réprimer des manifestations contre le président Omar el-Béchir.

L’expansion de Wagner s’est poursuivie en 2020 avec une intervention au Mozambique pour lutter contre l’insurrection islamiste dans la province de Cabo Delgado. En 2021, le groupe a fait son entrée au Mali, officiellement pour former les forces armées maliennes, mais des éléments montrent sa participation directe aux opérations militaires. Cette expansion rapide et multiforme a suscité l’inquiétude des puissances occidentales, qui voient dans Wagner un instrument de l’influence russe en Afrique et de déstabilisation, notamment de la France.

Wagner au Tchad : une présence discrète mais stratégique

Bien que moins médiatisée que dans d’autres pays africains, la présence de Wagner au Tchad revêt une importance stratégique considérable. Le Tchad occupe une position géographique clé, à la jonction entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, ce qui en fait un point d’ancrage crucial pour toute puissance cherchant à étendre son influence dans la région. De plus, le pays est riche en ressources naturelles, notamment en pétrole, ce qui en fait une cible attractive pour les intérêts russes.

La situation sécuritaire instable dans la région du Sahel offre à Wagner des opportunités d’intervention, lui permettant de se positionner comme un acteur incontournable de la sécurité régionale. L’arrestation de Shugaley et Seïfan suggère que le groupe cherchait à étendre son influence au Tchad, probablement en utilisant des méthodes similaires à celles employées dans d’autres pays africains : propagande, désinformation et potentiellement soutien discret à des opposants militaires.

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Au-delà du simple cas d’espionnage

L’affaire Shugaley-Seïfan révèle la complexité des opérations de Wagner en Afrique. Le groupe ne se limite pas à des activités militaires, mais déploie également un réseau d’influenceurs et d’agents pour préparer le terrain à son expansion. Cette stratégie hybride combine des opérations d’information et de désinformation, du lobbying auprès des élites locales, des accords économiques souvent liés à l’exploitation des ressources naturelles, et un soutien militaire et sécuritaire aux régimes en place.

Cette approche permet à Wagner de s’implanter durablement dans les pays où il opère, en tissant des liens étroits avec les pouvoirs locaux puis en s’assurant un accès privilégié aux ressources économiques, dans certains pays la milice exploite directement des mines d’or par exemple.

Les répercussions internationales

Cette arrestation s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre la Russie et les puissances occidentales en Afrique. Elle met en lumière la compétition acharnée pour l’influence sur le continent africain et les inquiétudes des États-Unis et de leurs alliés face à l’expansion de Wagner.

Avec cette arrestation, le Tchad affirme aussi sa volonté de garder la main sur sa souveraineté. D’autres pays pourraient suivre cet exemple et revoir leurs relations avec les acteurs extérieurs, y compris les groupes paramilitaires comme Wagner. Ainsi, l’affaire Shugaley-Seïfan pourrait conduire à un réajustement de la stratégie du groupe sur le continent, notamment en termes de discrétion et de méthodes d’influence.

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