« L’Etat ne négociera pas » avec le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), a déclaré vendredi dernier le Premier ministre nigérien. Seini Omar va ainsi dans le sens de l’armée, qui souhaite en découdre avec le groupe rebelle. Avant d’en arriver là, les premières salves ont été tirées contre des journaux accusés de démoraliser les troupes.
Il était le seul à ne pas s’être exprimé à propos du Mouvement des nigériens pour la justice (MNJ), un groupe rebelle qui réclame un meilleur partage des richesses du Niger et multiplie les coups de force depuis février dernier dans le nord du pays. Vendredi dernier, le Premier ministre nigérien Seini Omar, comme son président quelques jours plus tôt, a annoncé sur la radio nationale que « l’Etat ne négociera pas. Il n’y aura pas de négociations avec qui que ce soit tant qu’un groupe d’hommes armés voudra confisquer les intérêts du Niger », a-t-il affirmé.
Les forces armées nigériennes (FAN) s’étaient voulu encore plus claires, le 11 juillet dernier, lorsqu’elles ont affirmé leur « ferme volonté d’accomplir leur mission de défense de l’intégrité du territoire et de protection des personnes et des biens ». Une déclaration de guerre et une fin de non recevoir à l’invitation au dialogue lancée par le MNJ, que les autorités refusent toujours de considérer comme une rébellion. Le mouvement n’en a pas moins rendu publique, dimanche dernier, la composition de son bureau politique.
Il semble que les FAN gardent en travers de la gorge l’attaque du MNJ contre leur poste de Tizirzet (435 Km au nord d’Agadez), le 22 juin dernier, qui s’était soldée par la mort d’une quinzaine de soldats. Après avoir libéré trente militaires blessés, le groupe rebelle en a gardé prisonniers une quarantaine d’autres afin de se protéger d’une contre-offensive : le MNJ, qui avait lancé sa première attaque contre les FAN en février dernier, à Iférouane, faisant trois morts, avait selon lui été bombardé quelques semaines plus tard dans son fief du mont Tamgak.
Des revendications « égoïstes »
Depuis le début de l’année, le MNJ a également pris pour cible les sociétés qui exploitent l’uranium dans le nord du pays. L’attaque d’un site d’Areva, le 21 avril, à Imou-Araren (80 Km au sud de la ville la ville d’Arlit), avait fait un mort et un blessé parmi les agents de sécurité. Le 7 juillet dernier, c’est le cadre chinois d’une entreprise de prospection d’uranium qui a été enlevé à une centaine de kilomètres au sud d’Agadez, avant d’être relâché une semaine plus tard. Le MNJ reproche à ces sociétés de prospérer sans tenir compte de l’environnement et sans profiter suffisamment aux habitants de la région. Il réclame une meilleure application des accords de 1995, qui avaient mis fin à la révolte touareg, en particulier de ses volets économiques et sociaux en faveur des populations du nord.
La semaine dernière, la coalition d’associations « Equité, qualité contre la vie chère », qui a combattu le gouvernement dans la rue et l’a fait reculé sur plusieurs projets fiscaux, a qualifié les revendications du MNJ d’« insolites et égoïstes », lui qui se défend de tout régionalisme. Elle a également critiqué « la fuite en avant de la classe politique nigérienne et de certaines structures qui demandent (…) de négocier avec un groupe d’individus dont le seul mérite est d’avoir pris des armes ». L’organisme a même fait sien le discours de l’armée, qui accuse le MNJ de « ramifications extérieures » ; la coalition désigne plus directement la Libye mais aussi la société Areva, qui avait pris attache avec la rébellion pour éviter de nouvelles attaques.
La presse, première victime collatérale
Toutefois, à l’égal de partis politiques, de nombreux journaux intercèdent dans leurs colonnes pour une solution négociée. L’hebdomadaire L’Enquêteur invite le président Mamadou Tandja à « mettre un peu d’eau dans son vin et à explorer les voies de la négociation », alors que L’Evènement l’accuse de « banaliser » la question touareg comme il l’avait fait en 2005 avec la crise alimentaire. Quant au Démocrate, qui demande au président Tandja de prêter « une oreille attentive aux propositions des colombes de son entourage » et de ne « plus faire la part belle aux faucons », il a été « mis en demeure » par le Conseil supérieur de la communication, le 2 juillet, en compagnie de trois autres journaux. Le bimensuel Aïr-Info a purement et simplement été suspendu.
Selon ces médias, cités par l’AFP, le CSC les accuse de faire « l’apologie du crime et de la violence » en « soutenant ouvertement » les rebelles touaregs du MNJ, notamment parce qu’ils ont publié l’adresse du site internet du groupe ou des photos de ses combattants. Certains journaux sont également accusés de publier des « articles de nature à porter atteinte au moral de l’armée nationale ».