L’association International Crisis Group publie un rapport alarmant sur la situation des femmes dans le département d’Abala, à l’ouest du Niger. Il met en lumière l’emprise croissante de l’État islamique au Sahel (EI-Sahel) et son impact particulièrement lourd sur les femmes de cette région. Ce document, basé sur des entretiens avec des habitantes locales, offre un regard approfondi sur la manière dont ce groupe extrémiste parvient à renforcer son contrôle, tout en exacerbant les défis auxquels sont confrontées les femmes dans cette zone rurale.
Depuis cinq ans, l’État islamique au Sahel a étendu son influence dans cette région fragile du Niger, une expansion qui s’inscrit dans un contexte historique de marginalisation et d’inégalités profondément enracinées. Bien avant l’arrivée de l’EI-Sahel, la société nigérienne, en particulier dans des régions comme Abala, était déjà marquée par une structure patriarcale rigide, laissant peu de place à l’autonomisation des femmes. L’arrivée des jihadistes a aggravé ces dynamiques, comme le souligne une habitante d’Abala : « Nos vies étaient déjà difficiles avant. Mais maintenant, avec les jihadistes, c’est encore plus compliqué. »
Des règles strictes imposées par l’EI-Sahel
Le rapport de Crisis Group décrit comment l’EI-Sahel impose des règles strictes fondées sur sa propre interprétation de la loi islamique, affectant profondément le quotidien des femmes. Tandis que les hommes subissent souvent les formes les plus brutales de répression, les femmes sont soumises à des contraintes spécifiques, notamment en matière de tenue vestimentaire et de comportements sociaux. Pourtant, les réactions à ces nouvelles règles sont loin d’être uniformes. Certaines femmes, dans un surprenant retournement, trouvent une forme de soulagement dans ces codes rigides, considérant qu’ils leur offrent une échappatoire aux travaux pénibles des champs.
L’impact de l’insécurité sur l’éducation est également frappant. Bien que l’EI-Sahel ne vise pas spécifiquement l’éducation des filles, l’insécurité généralisée pousse souvent les familles à retirer leurs filles de l’école, compromettant ainsi leur avenir. En matière de santé, malgré une certaine tolérance de l’EI-Sahel envers les services médicaux, l’accès aux soins reste extrêmement limité, accentuant la vulnérabilité des femmes.
Des liens intercommunautaires fragilisés
Au-delà des difficultés individuelles, la présence de l’EI-Sahel fragilise également les liens intercommunautaires dans la région. Les tensions ethniques, déjà présentes, se sont intensifiées sous l’effet du conflit.
Face à ces défis, International Crisis Group formule plusieurs recommandations, soulignant l’importance de renforcer l’accès aux services de base, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation, et de soutenir les activités économiques des femmes pour leur permettre de subvenir à leurs besoins de manière autonome. En outre, l’organisation préconise une participation accrue des femmes à la résolution des conflits locaux, estimant que leur implication pourrait être cruciale pour stabiliser la région à long terme.
Ce rapport met en évidence la complexité et les paradoxes de la situation des femmes dans le département d’Abala, prises entre des normes patriarcales séculaires et l’influence oppressante de l’EI-Sahel.