Selon le secrétaire exécutif de l’association sénégalaise Rencontre africaine pour la défense des Droits de l’Homme (Raddho), seul un strict respect de l’Etat de droit peut pallier les dérives monoethniques de certains gouvernements africains. Alioune Thine appelle les Etats à mettre fin à l’impunité des crimes ethniques et à adopter une législation anti-raciste. Interview.
Alioune Thine est le secrétaire exécutif de l’association sénégalaise Rencontre africaine pour la défense des Droits de l’Homme (Raddho). C’est elle qui a organisé le forum des Organisations non-gouvernementales (ONG) africaines ce week-end à Dakar, en préparation de la Conférence régionale contre le racisme qui se tient jusqu’au 24 janvier.
Cent soixante-et-onze participants venus de tous les pays du continent ainsi qu’un nombre important d’Africains de la diaspora – Europe et Etats-Unis – ont fait le déplacement. Thèmes retenus : les sources et manifestations du racisme, les procédures légales pour le combattre, le problème des minorités et de la mondialisation et les mesures concrètes à prendre.
Afrik : Quels sont les principaux problèmes de racisme rencontrés en Afrique ?
Alioune Tine : En Afrique, la discrimination la plus courante porte sur l’ethnie. C’est ce qui se passe au Rwanda, au Burundi, en Sierra-Leone, en Angola ou en Côte d’Ivoire et qui donne les grandes tragédies que sont les génocides. Il y a aussi la discrimination nationale, basée sur l’appartenance ou non à telle nation ou à telle religion. Il y a la xénophobie, le rejet de l’étranger par le petit peuple, comme en Côte d’Ivoire. Il y a la discrimination par la » caste « , très présente en Afrique de l’Ouest où les griots et les forgerons sont considérés comme inférieurs.
Afrik : Que faire pour combattre ces différentes formes de racisme ?
A. T. : Il faut respecter l’Etat de droit et appliquer les Droits de l’Homme. En ce qui concerne les ethnies au pouvoir par exemple, on sait qu’immanquablement d’autres ethnies seront exclues, non seulement des instances de décision, mais aussi de certains métiers. C’est cela qui créé les conflits ethniques. Le plus important est que ces crimes, comme tous les délits racistes, ne restent pas impunis. Nous demandons d’ailleurs que les gouvernements africains adoptent des législations nationales, car peu de personnes savent se défendre et faire valoir leurs droits en Afrique. Au niveau des populations, il faut éduquer les gens, faire des campagnes de sensibilisation, traquer dans les discours oraux et écrits tous les préjugés fondés sur la race et la religion. Cela doit faire l’objet d’une politique d’Etat.
Afrik : Quel est le rôle de la Raddho sur ces problèmes ?
A. T. : Nous dénonçons la torture, et ce avec beaucoup de succès et avec le soutien d’Amnesty International. Nous avons aidé à l’élaboration de la loi contre la torture au Sénégal qui a été adoptée en 1996. Nous veillons à ce que les règles démocratiques soient observées dans notre pays. Nous avons contribué à la transparence des dernières élections présidentielles par exemple. Depuis 1992, nous surveillons le conflit casamançais de très près et dénonçons les disparitions, les tortures. Nous travaillons aussi sur le droit de la femme, et gardons un oeil vigilant sur ce qui se passe dans d’autres pays. Nous demandons par exemple à ce que Laurent Gbagbo soit exclu de l’Internationale socialiste, puisque son programme xénophobe est aux antipodes de celui que défend l’Internationale.
Afrik : Etes-vous optimiste pour l’avenir ?
A. T. : Nous avons noté ces dernières années un net recul de toutes les discriminations et violations des droits de l’Homme, du moins au Sénégal. Il y a une véritable amélioration de ce côté-là. Mais je suis aussi confiant pour le reste de l’Afrique, car les Africains, souvent opprimés par leurs dirigeants, n’acceptent pas de telles situations.