Le gouvernement espagnol, en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations et le Sénégal, a produit un spot qui met en garde contre les dangers de l’immigration clandestine. Lancé et diffusé mercredi sur les ondes sénégalaises, il s’inscrit dans une vaste campagne de sensibilisation officiellement lancée dans ce pays le 18 juillet dernier.
Une femme d’âge mûr raconte, en wolof (langue nationale la plus parlée au Sénégal) comment elle a perdu son fils unique qui tentait de rejoindre l’Europe par la mer. L’image de son corps inanimé illustre son témoignage. Puis, c’est au tour du plus célèbre des Sénégalais, le chanteur Youssou N’Dour, de prendre le relais et de lancer ce message : « Ne risque pas ta vie pour rien, tu es l’avenir de l’Afrique ». Le spot qui a été lancé mercredi, au Sénégal, par le gouvernement espagnol en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) s’inscrit dans le cadre de la campagne nationale de lutte contre la migration irrégulière, financée en partie par l’Espagne, menée depuis le 18 juillet dernier au Sénégal. Objectif clairement affiché : dissuader les futurs clandestins sénégalais.
Silence, on sensibilise !
Le clip, réalisé par une agence de communication espagnole, vient compléter un dispositif composé de deux autres clips qui mettent en scène les dangers de l’immigration clandestine et qui ont déjà été diffusés sur les trois chaînes de télévision sénégalaise : RTS, RTS2 et Canal info. Notamment aux heures de grande écoute, par exemple avant le journal télévisé du soir. La presse écrite et les radios sénégalaises sont également mises à contribution dans cette vaste opération de communication. Des insertions publicitaires figurent en bonne place dans les journaux et des débats radiophoniques ont été organisés avec des représentants de l’OIM et du ministère sénégalais de l’Intérieur.
Claire Sambou, 24 ans, étudiante en sciences économiques et membre active de l’Association internationale des étudiants en sciences économiques et commerciales (Aiesec), ONG de référence dans le monde estudiantin, a vu l’un des clips où l’on voit une jeune mère et son fils. L’enfant interroge sa mère sur la disparition de son père mort noyé alors qu’il rejoignait les côtes espagnoles. « C’est assez triste de voir les images de cette maman qui pleure et de cet enfant qui réclame son père. Cela pourra peut-être pousser certains futurs clandestins à ne pas se risquer dans cette aventure parce qu’ils laisseraient leurs familles dans une situation semblable. Mais, en même temps, ça dépend vraiment des gens ».
Proposer des solutions concrètes aux jeunes
Dans un pays où la pratique se banalise et est parfois encouragée par les proches, les campagnes de sensibilisation ne suffisent pas à décourager les candidats à l’immigration clandestine. L’OIM, ainsi que les autorités sénégalaises et espagnoles en sont conscientes. D’où des actions concrètes d’insertion et de réinsertion professionnelle. « Nous venons de financer 80 jeunes promoteurs de projets générateurs de revenus dans les régions de Mbour, Ziguinchor, Dakar et St-Louis », souligne Isabelle de Goussencourt, responsable du programme de Renforcement des capacités de gestion de la migration et de lutte contre la migration irrégulière au Sénégal financé par la Commission européenne. « Ces jeunes ont reçu des financements en nature et espèces et nous avons engagé l’Anej (Agence nationale pour l’emploi des jeunes au Sénégal, ndlr) pour assurer leur formation de quinze jours en gestion et entreprenariat ».
Donner les moyens aux jeunes de rester et de ne pas céder à la tentation d’un exil souvent fatal est devenue l’une des priorités de l’Anej créée en 2001. « Notre mission est de trouver du travail aux jeunes », explique Badou Faye, directeur de la promotion de l’esprit d’entreprise à l’Anej. « Les messages ne suffisent pas pour avoir de l’impact sur les jeunes. C’est incomplet. Lorsqu’on leur dit de ne pas partir, il faut leur proposer quelque chose de concret pour qu’ils restent. J’ai reçu hier quatre jeunes – ils en représentaient une trentaine – qui ont tenté l’aventure et qui sont revenus. Quand je leur ai parlé du projet que nous étudions actuellement avec la coopération espagnole pour mettre en place un réseau de boulangeries un peu partout au Sénégal, il y ont vu une grande opportunité. Pour eux et pour leur localité. » L’Anej sensibilise les jeunes, mais aussi leurs parents. « Nous leur suggérons d’avoir la même ardeur à financer les petits commerces que souhaitent monter leur enfants que celle qu’ils ont quand il s’agit de payer leur passage », poursuit Badou Faye.
En 2006, près de 32 000 immigrés irréguliers sénégalais sont arrivés aux îles Canaries quand beaucoup d’autres périssaient en mer.