L’Espagne en alerte après la saisie d’importantes quantités de drogues en provenance du Maroc


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Saisie de drogue par la Garde Civile espagnole @Garde civile
Saisie de drogue par la Garde Civile espagnole @Garde civile

Depuis plusieurs mois, l’Espagne intensifie sa lutte contre le trafic de haschich en provenance du Maroc, un fléau qui prend de plus en plus d’ampleur sur les côtes espagnoles. La région de Ceuta (Sebta) est particulièrement touchée par ce phénomène, en raison de sa proximité géographique avec le royaume chérifien.

Entre janvier et mars de cette année 2025, les forces de sécurité espagnoles ont saisi plus de 700 kilos de haschich en mer, selon les données de la Guardia Civil. Une série d’opérations qui témoigne d’une volonté renforcée de démanteler les réseaux de narcotrafic transméditerranéens. Les arrestations de narcotrafiquants se sont multipliées ces derniers mois à Sebta. Le 19 mars, une saisie spectaculaire de 173 kilos de haschich a été effectuée à bord d’un bateau de pêche en provenance du Maroc.

Quelques jours plus tôt, ce sont 220 kilos de drogue qui ont été découverts dissimulés dans les rochers à proximité de Punta Almina, un point stratégique pour le transit maritime. En janvier, une autre opération a permis de récupérer 270 kilos de haschich en pleine mer, grâce à la coopération entre le service maritime et le GEAS (Groupe Spécial d’Activités Subaquatiques). Ces interventions coordonnées visent à contrer une tendance croissante : l’acheminement de drogue par voie maritime pour contourner les contrôles terrestres.

Un partenariat renforcé avec le Maroc en perspective

Les narcotrafiquants ont mis au point une méthode de plus en plus sophistiquée pour faire passer la marchandise. La drogue est chargée à bord de bateaux de pêche marocains qui prennent ensuite la mer en direction de Sebta. Une fois en eaux espagnoles, les trafiquants jettent l’ancre et des plongeurs interviennent pour transférer les ballots de haschich vers d’autres embarcations plus discrètes. Cette stratégie permet d’éviter les ports et les contrôles douaniers traditionnels. Les forces de l’ordre espagnoles, en réponse, ont accru leur vigilance en mer et renforcé leurs moyens de surveillance pour intercepter les cargaisons avant qu’elles n’atteignent le continent.

Face à l’ampleur du trafic, le ministère public espagnol appelle à une coopération plus étroite avec le Maroc. En mai 2023, la procureure générale antidrogue, Rosa Ana Morán, a proposé la création d’un groupe de travail conjoint entre les deux pays afin de mieux coordonner la lutte contre ce trafic illicite. Selon Morán, une meilleure collaboration entre Rabat et Madrid pourrait améliorer l’efficacité des enquêtes et favoriser des actions préventives plus ciblées. Elle souligne aussi que le Maroc dispose d’un cadre réglementaire important autour de la culture du cannabis, avec même une agence nationale dédiée.

L’Espagne, principale porte d’entrée du cannabis en Europe

La procureure espagnole ne cache pas son souhait de voir émerger une régulation claire autour du cannabis. À ses yeux, la solution réside dans l’exportation réglementée des produits à usage légal, comme le cannabis médical, plutôt que dans la tolérance implicite envers le marché noir. Elle estime que le Maroc, principal producteur de haschich à destination de l’Espagne, a un rôle clé à jouer dans cette transition. Le renforcement des contrôles et la transparence dans la filière légale pourraient, selon elle, assécher les circuits illicites et réduire l’influence des réseaux criminels transnationaux.

Aujourd’hui, l’Espagne est considérée comme le principal point d’entrée du cannabis dans l’Union européenne. Un statut préoccupant pour les autorités, qui constatent une implantation croissante de réseaux criminels internationaux sur leur territoire. « C’est un commerce étroitement lié au crime organisé », alerte Rosa Ana Morán. Elle cite notamment la présence de groupes venus de Chine, d’Albanie ou encore d’autres régions, qui s’implantent en Espagne pour produire et distribuer du cannabis. Un phénomène qui fragilise la sécurité intérieure et alimente l’économie souterraine.

Une opposition ferme à la légalisation du cannabis récréatif

Face à l’essor de la consommation, la procureure reste fermement opposée à la légalisation du cannabis à usage récréatif. Elle met en garde contre la banalisation d’une drogue qu’on considère à tort comme inoffensive. « Le THC, principal composant psychoactif, atteint aujourd’hui des niveaux très élevés dans certains produits », explique-t-elle. Elle s’inquiète particulièrement de l’accès de plus en plus facile au cannabis pour les adolescents.

« Penser qu’un jeune de 14, 15 ou 16 ans puisse consommer du cannabis avec un taux de 20% de THC est très préoccupant, tant pour sa santé mentale que physique », déclare-t-elle. Pour Morán, il s’agit avant tout d’une question de santé publique. La coopération avec le Maroc, un renforcement de la surveillance maritime et une vigilance accrue face à l’influence des réseaux criminels internationaux sont autant de leviers sur lesquels l’Espagne entend s’appuyer pour inverser la tendance.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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