Les Evêques membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), présents à la session ordinaire de la 43ème Assemblée plénière, tenue à Kinshasa du 3 au 7 juillet, viennent d’adresser un message au peuple congolais à l’occasion du 47ème anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo. Le constat n’est pas éloquent : « Ne dormons pas, la maison brûle ! », s’écrient les prélats catholiques.
Notre correspondant à Kinshasa
Puisque la souffrance du peuple perdure, l’Assemblée plénière des évêques aborde plusieurs questions avec fermeté : la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale, l’exploitation illégale des ressources naturelles, les massacres et assassinats ciblés, etc. Coïncidence frappante, les évêques catholiques soulèvent les mêmes problèmes, avec la même insistance que l’International Crisis Group, cette organisation internationale non gouvernementale qui agit pour la prévention et la résolution des conflits dans le monde entier.
« A vin nouveau, outres neuves » (Mc 2, 22). Ne pas décevoir les attentes de la nation. Telle est le thème du message de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté, publié ce lundi 9 juillet, à l’issue de leur 43ème assemblée plénière. Un message à la fois d’espoir et d’interpellation sur la situation socio-politique de la RDC. Au cours d’une conférence de presse tenue le même jour au Centre Interdiocésain (siège de l’épiscopat congolais), le président de la CENCO, Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, a explicité l’esprit de ce message. Pour les évêques, « la conjoncture actuelle est marquée par l’insécurité toujours persistante et l’exploitation non encore bien ordonnée et contrôlée de nos ressources naturelles ».
Appel au sursaut national
Que veut bien insinuer l’expression « A vin nouveau, outres neuves » ? Mgr Monsengwo précise qu’à une nouvelle ère, il faut des comportements nouveaux. « Nous voulons vous demander à vous, notre vaillant peuple et nos nouveaux dirigeants élus, un grand sursaut national et un changement de mentalité pour sauver notre pays des dangers qui le guettent à nouveau. Ne dormons pas, la maison brûle! », a-t-il déclaré.
Dans l’esprit des évêques, il s’agit d’un appel à la conversion, au changement de mentalités… au moment où nous célébrons le 47ème anniversaire de l’indépendance afin que nos dirigeants redoublent de vigilance, pour que « le pillage des ressources naturelles ne continue pas aujourd’hui sur la base de vieilles archives coloniales ou à la faveur d’autres balkanisations », a-t-il martelé.
L’épiscopat congolais partage toutes les préoccupations sur plusieurs dossiers sensibles et condamne particulièrement l’exploitation des ressources minières au détriment du pays et de la population : «l’exploitation des ressources minières dépasse l’illégalité et l’irrégularité», indique Mgr Laurent Monsengwo. Les prélats dénoncent, par ailleurs, «des contrats léonins sans impact rapide et visible à l’endroit de la population». Aussi, les évêques réaffirment, avec force, le principe de l’intégrité et de l’intangibilité du territoire national congolais. « La souveraineté nationale et l’intégrité territoriale ne sont pas négociables », indique Mgr Monsengwo.
Situation sécuritaire préoccupante
L’insécurité qui sévit dans le pays, notamment dans l’Est (Nord et Sud Kivu) et dans la province du Bas-Congo (Ouest), ne laissent pas également indifférente les évêques. Ils fustigent les assassinats ciblés, le meurtre des journalistes, des tracasseries, des enlèvements, des taxes et péages excessifs, des arrestations arbitraires… Les Evêques congolais tirent également sur la sonnette d’alarme quand « à l’exploitation prochaine du pétrole dans le Lac Albert, en Ituri (Est), qui sème des inquiétudes et des foyers de tension … »
Par ailleurs, les évêques ont exprimé des préoccupations particulières pour l’avenir. La modicité du budget 2007 de l’Etat (2 milliards de dollars US) et la lenteur dans les changements et réformes tant attendus… autant de dossiers qui préoccupent profondément les bonnes consciences.
Ainsi, pour prévenir le danger, la CENCO attire spécialement l’attention de tous les dirigeants ainsi que la Communauté internationale sur le changement des mentalités, au regard de la persistance des anti-valeurs. Ici, la CENCO s’engage, à travers ses structures, à suivre avec une attention particulière le processus de «revisitation» des contrats miniers et forestiers afin qu’ils se fassent dans la plus grande transparence au profit du peuple congolais. Comme lors des élections, la CENCO disposera d’une structure parallèle pour apprécier le travail qui sera fait au niveau du gouvernement.
Conditions du décollage national
Les évêques ont épinglé quelques conditions pour «le décollage national», entre autres, des exigences éthiques, une décentralisation bien réfléchie, une indépendance à reconquérir, un développement solidaire, une mise en place rapide du Conseil économique et social.
Pour les évêques, la crise de notre pays est avant tout éthique. Le pays a grandement besoin d’hommes nouveaux et intègres. Un changement radical dans les comportements personnels, sociaux et politiques pourra apporter une nouvelle manière de gérer la République. «Le Congo nouveau sera fondé sur les valeurs républicaines, les valeurs morales de la vie sociale et les valeurs évangéliques», insistent-ils.
Ici se recoupent les points de vue de la Cenco et de l’ International Crisis Group qui a émis des recommandations dans son dernier rapport sur la poursuite des réformes ; l’accélération de la décentralisation, la restructuration des Forces armées et de la Police nationale, la revisitation des contrats miniers et forestiers… En un mot, la bonne gouvernance.
Les Evêques disent quasiment la même chose : ils réaffirment avec insistance l’urgence d’une vraie armée républicaine ; tout en demandant à la Mission de l’Onu en RDC (Monuc) d’user de son nouveau mandat pour assurer une protection effective de la population, tout en la prévenant «sinon, le peuple commencera à douter de l’opportunité de sa présence et (…) risque de diminuer (…) sa confiance aux soldats de la paix». Enfin, aux huit pays les plus industrialisés de mettre en place des procédures pour une annulation rapide, entière et inconditionnelle de la dette extérieure des pays les plus lourdement endettés et des pays les moins développés.