L’enfance singulière de Fadéla M’Rabet


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Fadéla M’Rabet ouvre son coeur et son histoire. Dans  » Une enfance singulière « , elle aborde sans fausse pudeur sa vie d’enfant dans l’Algérie coloniale. Ce livre lui permet aussi de dresser un formidable portrait de sa grand-mère et d’évoquer ce dont elle parle le mieux, la condition des femmes algériennes.

On connaît Fadéla M’Rabet pour ses deux ouvrages remarquables et retentissants sur la condition des femmes en Algérie : La Femme algérienne (Maspéro, 1965) et Les Algériennes (Maspéro, 1967). Aujourd’hui, cette féministe de la première heure, docteur en biologie, change de registre. Elle explore le genre de l’autobiographie sans fausse-pudeur et avec objectivité. Dans Une enfance singulière, elle raconte sa vie de petite fille au sein d’une famille traditionnelle de Skikda, dans une grande maison abritant une vingtaine de personnes.

Omniprésente, la figure de Djedda, sa grand-mère. Une sage-femme que l’auteur célèbre à chaque page.  » Tu m’as d’abord donné la vie. Je n’ai pas eu à résoudre l’énigme de ma présence au monde, puisque c’est toi qui m’y as introduite « , écrit-elle avec tendresse. Elle décrit celle qui était respectée de toute la communauté, femme-forte, aux cheveux qui  » formaient un brasier au soleil « , qui  » détestait les couleurs ternes que l’usage imposait aux femmes âgées « , elle qui était  » très élégante  » et  » portait au moins quatre foulards « . Une femme  » révoltée  » qui a refusé de se remarier.  » Elle nous a donné l’image d’une femme maîtresse de son corps « , livre Fadéla M’Rabet.

La vie est plus importante que les hommes

Suivent les bons et les mauvais souvenirs d’une petite Algérienne dans l’Algérie coloniale. Les rivalités avec les Françaises à l’école, les relations tendues entre les deux communautés :  » Ce qui me frappait déjà, à l’époque, c’était l’incommunicabilité des deux sociétés. Le monde de l’école et celui de la maison étaient juxtaposés et totalement étrangers. Là, on parlait français, ici, l’arabe. Les deux communautés non seulement s’ignoraient, mais se méprisaient « .

Les vacances à Collo, petite ville du littoral constantinois qui,  » dans les années quarante, avait les allures d’une ville monacale  » ou  » chaque maison semblait un monastère où des nonnes, cloîtrées depuis l’âge de la puberté, servaient les hommes d’aujourd’hui et célébraient ceux d’hier. (…) Elles ne sortaient de la maison que pour le cimetière ou pour cet autre tombeau qu’était le domicile conjugal « . Car au-delà des portraits de famille, l’auteur dresse la tragique condition des femmes algériennes au sein d’une société machiste, voire haineuse à leur égard.

L’écrivaine se fait revendicatrice. Elle interpelle :  » Il faut vraiment que les hommes nous méprisent pour inscrire notre nom dans une case du livret de famille avec, en attente d’être occupées, trois autres cases – comme autant de niches à lapines. Ou encore, pour décider du mari qui nous convient, ou, comme c’est le cas dans bien des pays, de nous autoriser, ou non, à exercer un emploi, ouvrir un compte en banque, voyager. (…) Mais quelles que soient les désillusions qui me viennent des hommes, il me restera toujours le regard confiant d’un enfant, le lever du jour sur les lauriers roses des montagnes kabyles, le coucher du soleil sur la palmeraie de Beni-Abbès, les odeurs de jasmin de Sidi Bou Saïd. Le tout mêlé au khôl, au henné et aux foulards multicolores de Djedda, qui m’a montré que la vie est plus importante que les hommes « .

Une enfance singulière, Fadéla M’Rabet, éditions Balland.

La couverture du livre.

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