L’énergie solaire, un atout pour l’Afrique


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Bien qu’économique et non polluante, l’énergie solaire est toujours très peu utilisée en Afrique. L’ingénieur camerounais Guy Tchuilieu Tchouanga, qui en a fait son cheval de bataille, œuvre a faire évoluer la situation. Son entreprise, Ecosun Solutions, est une société d’engineering implantée en Afrique de l’ouest et du centre. Elle conçoit, fabrique et installe des systèmes de production d’énergie solaire aussi bien thermiques (chaleur) que photovoltaïques (électricité).

Guy Tchuilieu Tchouanga est né au Cameroun où il a grandi. Il a fait, à partir de 1986, ses études supérieures en électromécanique en Belgique, et a été formé à la production de l’énergie solaire à l’école d’ingénieur de l’Institut Solaire de Jülich, en Allemagne (un pays qui met d’importants moyens dans le développement de cette technologie, en dépit de son faible ensoleillement, et où M. Tchuilieu Tchouanga a gardé d’excellentes relations de travail avec ses anciens collègues). Par la suite, il a créé sa première société en Belgique avec Laurent Minguet, un grand entrepreneur belge. Puis il a ouvert le bureau Ecosun Solutions, dont le siège se trouve au Sénégal et les succursales au Togo, au Cameroun, au Burkina Faso et bientôt en Haïti. Il nous a expliqué les avantages que peut tirer l’Afrique d’une grande production d’énergie solaire et les projets qu’ils développent sur le continent et au-delà.

Afrik.com : Utiliser le soleil comme source d’énergie est facile à concevoir pour des régions où le soleil brille abondamment. Cependant, l’Afrique l’utilise très peu. Pourquoi ?

Guy Tchuilieu Tchouanga : Je pense qu’il y a un manque d’information généralisé sur cette technologie. Nos universités ne s’y intéressent pas assez, du moins du point de vue pratique. Et enfin, les États africains pour la plupart n’ont pas du tout de stratégie en matière d’énergie, donc l’idée de passer au solaire n’est pas tellement débattue car il y a un manque de vision à court, moyen et long terme. Je dois tout de même ajouter que ceci tend à changer. Ecosun Solutions est de plus en plus sollicité par des États, des collectivités, en vue d’envisager l’installation des panneaux solaires pour fournir de l’énergie aux habitants. Il existe des réalisations concrètes qui le démontrent. Mais c’est encore très timide comme tendance.

Afrik.com : Quels sont les avantages du solaire en Afrique, comparés à d’autres formes d’énergie ?

Guy Tchuilieu Tchouanga : L’énergie solaire a plusieurs avantages. Des capteurs posés sur votre toiture ou dans votre jardin suffisent à alimenter votre maison. Cela permet d’éviter de tirer des câbles sur des kilomètres. J’ajoute d’ailleurs que le transport de cette énergie venant des centrales conventionnelles coûte plus cher que l’installation de l’énergie solaire dans les maisons. En installant des panneaux, on évite de défigurer le paysage et des villes avec des câbles qui traversent les rues à tors et travers. Du point de vue de la sécurité, la technologie permet d’éviter toutes les désagréments dus à la mauvaise qualité du courant du réseau. Nous avons tous connu des incendies liés aux transformateurs dans nos quartiers. Les utilisateurs d’énergie solaire sont libérés des factures récurrentes et qui ne cessent d’augmenter. Il faut souligner que cette énergie ne génère pas de pollution à l’utilisation. La mise en œuvre est simple et rapide.

Afrik.com : Quelle sont les solutions les plus adaptées à l’Afrique ? L’énergie thermique ou plutôt le photovoltaïque ?

Guy Tchuilieu Tchouanga : Il faut un peu expliquer : L’énergie solaire photovoltaïque est la technologie qui produit des volts et du courant. L’énergie solaire thermique sert à faire directement de la chaleur pour des applications directes qui on besoin de chaleur tant dans les ménages que dans les industries. Pour ma part, les deux systèmes sont complémentaires et avantageux. Simplement, l’énergie solaire thermique permet de développer un tissu économique performant et innovant plus rapidement. Tous les processus de température de 30°C à 300°C sont facilement réalisables par la technologie solaire thermique. Nous avons développé des systèmes solaires thermiques de pasteurisation, stérilisation, séchage, cuisson et climatisation.

Afrik.com : Est-ce que les installations d’énergie solaires sont très coûteuses ? Demandent-elles beaucoup de maintenance ?

Guy Tchuilieu Tchouanga : La technologie solaire est moins coûteuse que les techniques conventionnelles, si vous comparez un chauffe eau solaire à un chauffe-eau électrique installé dans une région comme Dakar. Le retour sur investissement est de deux ans et la durée de vie du chauffe-eau solaire est de 20 ans. Par contre, la question du financement de départ se pose car la grande majorité des gens n’a pas les moyens de payer à l’avance. Pour développer les ventes, il faudrait introduire le crédit et ca c’est le rôle des banques ou des micro-crédits. A mon avis, ceux-ci ne jouent pas trop le jeu pour le moment en Afrique. Vous devez savoir également que dans la plupart des pays africains il n’existe pas d’encouragement de l’État sous forme de prime comme en Europe. La maintenance est assez simple. Une fois que l’installation est bien réalisée le plus gros entretien est de nettoyer les capteurs de la poussière qui freine la captation des rayons solaires.

Afrik.com : A quand la production des panneaux solaires directement sur place en Afrique ? Un tel projet serait difficile à financer ?

Guy Tchuilieu Tchouanga : C’est notre projet actuel, nous voulons réaliser une usine de panneaux solaire sur le contient africain. Nous sommes prêts du point de vue financier et des compétences. Il existe assez de compétence en Afrique pour cela. Par contre, de tous les pays que nous avons contactés pour le moment, très peu d’autorités montrent un intérêt pro actif pour l’idée. Nous serions plus intéressés de nous implanter dans un pays où l’État considère que l’énergie est une priorité et où ce dernier prendrait des mesures pour faciliter l’accès de ses habitants à l‘énergie. C’est de cette manière que les énergies renouvelables progressent dans le monde. Je profite de cette tribune pour lancer un appel aux pays qui seraient intéressés par ce projet et prêts à le soutenir de manière pro active. Nous sommes prêts a venir monter l’unité de production, créer des emploies et faire de la haute technologie en Afrique.

Afrik.com : Que pensez vous, en tant qu’ingénieur et en tant que Africain, du projet Desertec selon lequel 15 entreprises allemandes veulent produire l‘énergie solaire au Sahara afin de transmettre de l’électricité vers l’Allemagne. Le coût de l’opération est chiffré à 400 milliards d’euros.

Guy Tchuilieu Tchouanga : Personnellement, je ne suis pas pour ce type d’initiative. Elle va se révéler désastreuse pour les pays africains car ils vont pomper toute l’eau de la nappe souterraine, qui va s’évaporer, pour faire tourner les turbines. Cela va entraîner l’assèchement des nappes avec des conséquences irréversibles. C’est le gigantisme du projet qui me fait avoir cette réflexion. Je suis sceptique quant à sa réalisation. Des pays vraiment indépendants comme l’Algérie n’accepteront jamais de prendre le risque d’assécher leur nappe souterraine. En tant qu’Africain, cela devrait nous conforter dans le choix de la technologie solaire pour équiper nos ménages et nos industries. Je ne suis pas du tout choqué par les sommes d’argent avancées pour réaliser le projet. Je suis sûr que les concepteurs du projet ont calculé les gains écologiques de cette installation en terme de santé publique et autres avantages positifs pour l’humanité. Seulement, comme dans toutes choses, leur calcul est fait tenant compte de l’humanité dite occidentale. Pour l’Afrique, d’autres scénarios solaires sont envisageables. Mais ça, c’est aux gouvernants africains responsables de le faire. Nous nous mettons à leur disposition pour le conseil et les réalisations.

Afrik.com : Votre entreprise est basée à Dakar. Où avez-vous des succursales dans d’autres pays d’Afrique et pourquoi ?

Guy Tchuilieu Tchouanga : J’ai jugé que se concentrer dans un seul pays ne permettait pas à l’époque (il y a 4 ans) d’avoir une taille suffisante pour prospérer dans le secteur de l’énergie solaire. En effet, dans la plupart des pays africains, l’énergie solaire était embryonnaire. Notre vocation de constructeur impose une taille minimale de marché. Les conditions ne sont réunies que quand nous nous adressons à plusieurs pays. Alors, le choix des pays s’est fait par opportunité d’affaire. Maintenant nous sommes présents au Togo, au Cameroun, au Burkina Faso et bientôt en Haïti si tout se passe bien.

Afrik.com : Quel sont vos principaux clients ?

Guy Tchuilieu Tchouanga : Notre humble objectif est d’apporter l’énergie à ceux qui n’en ont pas, mais également de réduire la consommation d’énergie quand cela est possible dans certaines industries. Nos produits respectent les normes de construction européenne, donc nous proposons aussi notre matériel à des clients hors du continent africain. Nos clients sont des institutions comme des universités et des villes, des hôtels, des industriels et bien entendu des ménages qui veulent utiliser cette énergie. Nos demandes viennent d’Afrique, mais aussi de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe.

Afrik.com : Quels sont vos prochains projets ?

Guy Tchuilieu Tchouanga : Actuellement, nous terminons la première phase d’installation à l’Université Catholique d’Afrique de l’Ouest à Lomé. Nous équipons également un hôtel de luxe en construction à Douala au Cameroun, nous allons y installer 400m² de capteurs solaires. Nous sommes en discussion pour d’autres projets significatifs. Je profite également pour lancer un appel à tous les promoteurs immobiliers sur le continent. Nous sommes prêts à venir en tant que partenaire des projets en vue d’équiper complètement à l’énergie solaire les bâtiments construits.

Consulter : le site d’Ecosun Solutions

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