Le Maroc accueille du 16 au 20 décembre Cités et Gouvernements locaux unis d’Afrique pour la cinquième édition du sommet Africités placé sous le signe de la détermination. Celle qu’insuffle la conviction d’agir pour le compte des populations de base sur le continent africain. De l’économie au réchauffement climatique, les autorités locales s’imposent comme des acteurs défendant leur prérogatives. Au nom de leurs administrés.
« Nous voulons promouvoir le développement durable et l’emploi comme base du développement économique de notre continent. Nous ne voulons plus qu’on nous dise que c’est par l’insertion au marché international qu’on développera l’Afrique. Il n’y a pas d’économie compétitive au niveau mondial sans économie locale forte. La réponse que nous proposons est née de l’expérience. » C’est en ces termes que s’énonce l’ambition de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA), par la voix de son secrétaire général Jean-Pierre Elong Mbassi, au moment où s’ouvre ce mercredi la cinquième édition des Journées panafricaines des collectivités locales, Africités.
Africités : la petite histoire Les sommets Africités sont organisés tous les trois ans alternativement dans les différentes régions d’Afrique. Ils constituent un temps fort dans l’impulsion du processus de décentralisation en Afrique, et dans la réflexion sur la place et le rôle des gouvernements locaux dans la gouvernance et le développement des pays africains. La première édition s’est tenue en janvier 1998 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Africités 1 a vu l’émergence du mouvement municipal africain sur la scène institutionnelle régionale et internationale. La deuxième édition s’est déroulée en mai 2000 à Windhoek en Namibie. Africités 2 a marqué le début de la structuration du mouvement municipal africain et du dialogue panafricain sur la décentralisation et le développement local. Source CGLUA |
Certains évènements ne produisent que la clameur inhérente à leur tenue, il en sera autrement pour cette rencontre tant la détermination des collectivités locales africaines semble se préciser et s’affirmer. « Il y a une charge d’attente sur le mouvement que nous sommes en train de vivre et un appel à l’innovation de la part de ceux qui n’ont jamais eu droit de dire ce qu’ils voulaient, note le responsable du CGLUA. (…) Notre organisation affirme que nos peuples africains n’ont pas de problèmes. Ce sont les Etats africains qui en ont. (…) Le maillon manquant dans la constitution de l’unité africaine, c’est le niveau local. Il faut que le point de vue local instruise les stratégies qu’on élabore pour l’Afrique de demain. »
La décentralisation : un partage des charges entre l’Etat et les citoyens
A ce titre, l’association, qui fédère désormais l’ensemble des autorités locales du continent, se bat depuis des années pour être reconnue par les instances de l’Union africaine (UA). « Africités est la meilleure tribune pour lancer cet appel aux chefs d’Etat africains : les collectivités locales doivent avoir leur représentation au niveau de l’UA », insistera Aminata Mbengue Ndiaye, la maire de Louga, au Sénégal. Une reconnaissance logique pour le CGLUA. « Ce sont les Etats qui ont éprouvé le besoin d’avoir une personne publique de proximité, analyse Jean-Pierre Elong Mbassi. Ce qui veut dire qu’ils ont ressenti le besoin d’avoir un point de vue public différent de celui de l’administration centrale. Si ceci est pertinent, alors, à toutes les échelles, ce point de vue doit être entendu. » Et en parlant d’une voix, les gouvernements locaux prennent le pouvoir au nom de leurs administrés largement représentés au Maroc. Quelque 5 000 participants dont 1 500 responsables locaux arpenteront jusqu’au 20 décembre prochain les travées du palais des Congrès de Marrakech.
C’est encore et toujours au nom de leurs concitoyens que les responsables des collectivités locales ont lancé l’appel de Marrakech aux parties prenantes aux négociations de Copenhague sur le climat. « Il était essentiel de rappeler que ce sont les collectivités locales qui sont en première ligne lorsque les effets du réchauffement climatique se font sentir. Les inondations frappent d’abord les populations locales et c’est le maire qui est d’abord sollicité. Il est honteux, s’indigne le responsable du CGLUA, que lorsqu’on négocie l’adaptation et les réponses aux changements climatiques les collectivités locales ne soient pas autour de la table ». Un appel qui fait aussi figure de rappel à l’ordre quand les négociations s’enlisent au détriment des pays africains. »Les négociations piétinent à Copenhague parce que les principes sur lesquels cette rencontre a été convoquée ne sont plus respectés. Cette dernière l’a été sur la base de responsabilités partagées mais différenciées. Les délégations africaines ont mis sur la table le fait que le continent n’est pas responsable du changement climatique. C’est l’industrialisation de l’Europe et de l’Amérique, celle plus tardive de la Chine et de l’Inde, et d’une certaine manière celle du Brésil qui en sont la cause. »
A tous les niveaux et parce qu’il est le premier en tant émanation directe de la volonté des populations, la collectivité locale africaine est résolue à assumer sa part de responsabilité, et par conséquent à partager le pouvoir avec les Etats centraux. L’allocution prononcée par l’ancien président ghanéen Jerry Rawlings ce mercredi, à la cérémonie d’ouverture d’Africités, sonne comme un signe d’encouragement. Après avoir dénoncé la corruption « qui suce l’énergie de nos peuples », la mainmise persistance des puissances étrangères sur les économies africaines, dont il invite par ailleurs à défendre la souveraineté, il a rappelé que décentralisation n’était que « le partage » des charges d’un gouvernement avec ses populations.