Méroé fut un des royaumes antiques majeurs de la civilisation soudanaise. Il a côtoyé pendant plusieurs siècles son imposante voisine, l’Egypte de la basse époque, celle où régna notamment la grande Cléopâtre. Cette civilisation peu connue a su faire la synthèse d’influences africaines, égyptiennes et gréco-romaines.
Repères chronologiques :
2500 à 1500 av. J-C : Royaume de Kerma au Nord-Soudan
1500 à 1000 av ; J.-C. : Colonisation pharaonique dans le Nord
1000 à 750 av. J.-C. : Constitution et expansion du royaume d’el-Kourrou
747 à 656 av. J.-C. : les pharaons noirs règnent sur l’Egypte (25° dynastie)
656 à 270 av. J.-C : Royaume de Napata
v. 270 av. J-C : Avènement d’Arkamani 1er : royaume de Méroé
25 à 21 av. J-C. : conflit avec Rome
v. 50 : Règne du couple Natakamani et Amanitore ; apogée de Méroé
v. 200 : Déclin de l’empire
v. 320 : Construction de la dernière pyramide royale à Méroé
v. 350 : période d’instabilité
v. 500 : Constitution de royaumes chrétiens en Nubie
Méroé, un empire sur le Nil, civilisation du Sud-Soudan fut redécouverte en 1821 par l’e explorateur français Frédéric Cailiaud. Elle apparaît à la fin de la basse époque égyptienne (-270 à v.400), presqu’au même moment ou les Ptolémées s’emparent de l’Egypte (en -323 ).
Méroé ou Ethiopie
» Le pays des visages brûlés » – comme la nommaient les historiens gréco-romains, ou encore « Pays de Koush selon les Egyptiens, s’étendit sur plus de 1000 km pendant près de 6 siècles. Descendant du mystérieux royaume de Kerma nubien, puis de la brillante civilisation de Napata (célèbre notamment pour ses pharaons noirs), l’empire de Méroé (entre le III° siècle av J-C et le IV° siècle ap. J-C) est, de par son passé mais aussi par sa géographie, un point de convergence entre l’Afrique subsaharienne et l’Egypte ptolémaïque (Ptolémée, ancien général d’Alexandre, disciple d’Aristote) gréco-romaine.
« Un des buts premiers de l’exposition, explique Michel Baud, responsable de la section Nil-Soudan, c’est de montrer l’empire méroïtique comme un carrefour d’influences et de civilisations ». Car une des caractéristiques de Méroé, c’est la force des influences égyptiennes, africaines et gréco-romaines dans sa vie quotidienne et sa culture.
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Influences égyptiennes mais pas seulement
Influences égyptiennes tout d’abord avec l’héritage des grands empires de Kerma et de Napata, tous deux fortement « égyptiannisés » qui avaient conquis la région auparavant. Ce legs se perçoit notamment au niveau du panthéon méroïtique, où figure de manière prépondérante le dieu créateur Amon. Le culte funéraire est, lui aussi, très marqué de ces influences égyptiennes. En effet, les souverains continuent à se faire construire des pyramides en guise de sépulture par exemple. La représentation de la royauté est également fortement égyptienne. La statuaire royale arbore notamment les insignes royaux égyptiens (barbe postiche par exemple). Mais l’Egypte est loin d’être la seule source d’inspiration de l’empire.
Car à Méroé, l’Afrique fait son grand retour. Les Méroens, entre autres, utilisaient un type de poteries dites « noires », non tournées (c’est-à-dire sans tour de potier), arborant un décor géométrique. Ce type de poterie est millénaire dans cette partie de l’Afrique. Les cultes du lion et de l’éléphant, animaux issus du cœur de l’Afrique, sont également très présents.
L’influence gréco-romaine (principalement grâce aux contacts avec l’Egypte) se manifeste par les multiples représentations du dieux grec Dionysos. Cruches, amphores et autres objets en témoignent au Louvre.
Méroé a néanmoins développé des caractéristiques propres. L’empire disposait de sa propre écriture en deux systèmes graphiques et 24 signes (comme en Egypte, l’Etat possédait deux types d’écriture, le hiéroglyphique et le cursif). L’écriture méroïtique a été découverte il y a plus de 100 ans. A l’heure actuelle, on est capable de la lire et de la déchiffrer, mais pas de comprendre cette écriture. En cours de traduction, elle a encore beaucoup de choses à livrer aux archéologues. « Ce serait bien de trouver une espèce de pierre de Rosette version méroïtique, mais il y a peu de chances », explique Michel Baud.
Encore mystérieuse
La langue et l’écriture méroïtique ne sont pas les seules à être encore méconnues de nos jours. L’histoire de la civilisation demeure aussi une énigme. Selon les auteurs classiques, le fondateur de la dynastie fut un certain Arkamani 1er. L’empire a visiblement donné, tout au long de son histoire un rôle majeur aux reines, les candaces, et était sans doute un Etat guerrier. L’empire décline à partir du III° siècle sous l’influence du monothéisme chrétien.
Lors d’une grande exposition en 2010, le Louvre avait raconté l’histoire de Méroé et ses particularités grâce aux objets issus de fouilles du Louvre à Mouweis, de prêts soudanais et de musées tels que le British Museum. Différents aspects de la culture méroïtique étaient ainsi abordés à travers la royauté, la religion, la langue et l’écriture, les objets du quotidien, les fouilles à Mouweis, ainsi que la fin de Méroé.
La visite permettait de découvrir des pièces d’exception. Telles que la célèbre statue d’un roi archer prêtée par le British Museum. Découverte en 1974 à Tabo, cette statue royale en bronze doré est la plus grande pièce méroïtique en métal découverte jusqu’à présent. Autre pièce maîtresse de l’exposition : une stèle biface (datant du premier siècle ap J-C) montrant une reine (ou Candace pour les méroens) recevant le souffle de la vie de la déesse protectrice Amesemi (femme d’Apedemak, le dieu lion). D’influence égyptienne, la stèle dépeint aussi la reine avec des formes opulentes et des scarifications au visage et au cou, ce qui serait plutôt d’influence subsaharienne.