L’élevage de chameaux pourrait être une option pour quelque 20 à 35 millions de personnes vivant dans des zones semi-arides d’Afrique, et qui seront bientôt dans l’incapacité de cultiver leurs terres en raison du changement climatique, a dit le co-auteur d’une nouvelle étude.
D’ici 2050, la hausse des températures et la raréfaction des précipitations dans une zone couvrant de 500 000 à un million de kilomètres carrés de terre à faible rendement – soit environ la superficie de l’Egypte – rendra l’agriculture quasi impossible, a averti Philip Thornton, co-auteur du rapport, qui travaille comme scientifique au sein de l’International Livestock Research Institute (ILRI), basé à Nairobi, capitale du Kenya.
L’étude, intitulée Croppers to livestock keepers: livelihood transitions to 2050 in Africa due to climate change, a été publiée dans une édition spéciale de la revue Environmental Science and Policy, afin que la parution coïncide avec la conférence des Nations Unies sur le changement climatique, qui s’est déroulée cette semaine à Bonn, en Allemagne. Cette conférence est la seconde organisée dans la perspective de la conférence de décembre, qui se tiendra à Copenhague, au Danemark, afin d’envisager l’adoption d’un accord mondial visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Les deux auteurs suggèrent que repenser et planifier dès aujourd’hui les systèmes agriculturaux qui seront nécessaires dans quelques décennies, en renforçant par exemple l’élevage des espèces les plus résistantes – les chèvres, les ânes, les chameaux et certaines espèces de bétail – pourrait permettre aux agriculteurs de disposer d’une source de revenus alternative.
M. Thornton a expliqué à IRIN que les communautés touchées pourraient suivre les pas des communautés pastorales qui, depuis plusieurs générations, s’adaptent à la variabilité climatique. Environ 10 pour cent de la population d’Afrique sub-saharienne – soit quelque 72 millions de personnes – vivent dans des parcours naturels.
La tribu Samburu, dans le nord du Kenya, traditionnellement composée d’éleveurs, s’est initiée à l’élevage de chameaux au cours des deux ou trois dernières décennies, car la sécheresse avait réduit les pâturages, provoquant des maladies dans les troupeaux et des vols de bétail par d’autres groupes, alors que les tribus voisines, qui élevaient des chameaux, s’en sortaient mieux.
« Toute augmentation des troupeaux doit être gérée de façon durable ; notre étude révèle cependant que dans de nombreuses régions d’Afrique, au cours des prochaines décennies, la vulnérabilité aux variations climatiques, conjuguée à la demande de produits animaux sur le marché, incitera de nombreuses communautés d’agriculteurs à compléter leur activité agricole par de l’élevage. C’est pourquoi nous devons d’ores et déjà nous préparer à cette perspective inexorable », a déclaré Carlos Seré, Directeur général de l’ILRI.
Les auteurs ont axé leur analyse sur les régions arides et semi-arides de l’ouest, de l’est et du sud de l’Afrique, où le manque de précipitations génère régulièrement de mauvaise récoltes, environ une saison de croissance sur six, voire moins.
Selon diverses projections météorologiques, la durée de la saison de croissance fiable sur les terres concernées devrait passer en-deçà de 90 jours, ce qui rend impossible la culture du maïs – l’aliment de base sur la plupart du continent africain – et dans certaines régions, même les « céréales résistantes à la sécheresse, telles que le millet » devraient être difficiles à cultiver.
L’élevage, en tant que solution à ce problème, n’est pas une idée nouvelle. Selon M. Thornton, l’étude avait pour finalité d’exploiter les prévisions relatives au changement climatique afin de mettre en lumière les zones spécifiques d’Afrique où il serait judicieux de promouvoir l’élevage sur les petites exploitations et d’aider les agriculteurs à gérer les risques inhérents à de telles activités.
Cependant, « on observe actuellement un décalage entre le type d’informations localisées sur l’impact du changement climatique dont nous avons besoin de toute urgence, et les informations qui peuvent objectivement être obtenues », a-t-il ajouté.
A titre d’exemple, si la hausse significative future des températures fait consensus, les modèles climatiques ne s’accordent pourtant pas toujours sur les variations du schéma des précipitations et le volume de ces précipitations dans certaines régions d’Afrique.
D’après M. Thornton, des études plus approfondies seront nécessaires pour faciliter la mise en œuvre de programmes visant à aider les habitants de ces régions.
Photo: Mike Pflanz/IRIN