L’imam de la mosquée cairote d’Al-Azhar Mohammed Sayyed Tantaoui a ordonné à une collégienne d’ôter son niqab, au cours d’une visite dans un de ses lycées ce samedi. Il a décidé d’interdire le port de cette tenue religieuse dans l’ensemble de ses établissements. Une première dans un pays musulman.
Le niqab [Voile intégral qui couvre l’ensemble du corps des femmes sauf les yeux ]] ne fait pas l’unanimité chez les musulmans, loin de là. Une nouvelle brèche vient de s’ouvrir en Égypte entre musulmans modérés et radicaux à propos de cette tenue religieuse. Samedi dernier, lors d’une visite de plusieurs lycées dépendant de sa mosquée Al-Azhar, le cheikh Mohammed Sayyed Tantaoui, l’un des imams les plus respectés d’ Égypte , a été « surpris de voir une des lycéennes en niqab alors qu’elle était en cours », rapporte le quotidien [Al Masri al-Yom. L’imam, poursuit le journal, aurait alors demandé à la jeune fille d’ôter son voile, avant d’affirmer qu’il entendait interdire le port du niqab dans l’ensemble de ses établissements. Une annonce qui a aussitôt déclenché les foudres des islamistes égyptiens. Ces derniers étant par ailleurs échauffés par la décision du ministre de l’Enseignement supérieur Hani Helal, survenue au même moment, visant à interdire le niqab aux étudiantes de premier cycle inscrites dans les universités publiques du pays.
Pour ou contre le niqab, un débat qui refait surface en Égypte
« Ce débat sur le port du niqab n’est pas vraiment nouveau en Egypte, explique Bernard Botiveau, chercheur à l’Institut de recherche et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM). En 2007, le Tribunal administratif suprême égyptien avait déjà rendu un avis sur l’impossibilité faite à une université d’interdire à ses étudiantes le port du niqab ». Une tendance qui tendrait aujourd’hui à s’inverser si l’on en croit les deux récentes déclarations faites par l’imam Tantaoui et le ministre Helal.
Ces deux sorties fortement médiatisées laissent en effet à penser que le gouvernement égyptien est de plus en plus préoccupé par la question du niqab, y voyant une nouvelle manifestation de l’intégrisme religieux qu’il tâchait jusqu’à présent d’étouffer. Même s’il n’existe pas d’étude sérieuse sur la question, plusieurs articles parus au cours de ces dernières années dans la presse égyptienne et étrangère font état de la progression de l’islam salafiste, un courant radical prônant notamment le port du niqab. Une influence que l’État égyptien, soutenu par l’éminence religieuse d’Al-Azhar, souhaiterait, au nom d’un islam modéré, endiguer. En diffusant ça et là des propositions tendant à interdire ce voile, « l’État égyptien, soutenu par Al-Azhar souffle le chaud et le froid de l’étendue du pouvoir politique des courants islamistes, comme les Frères musulmans (parti islamiste égyptien)», analyse Bernard Botiveau.
L’Egypte, un exemple pour les pays musulmans ?
L’ordre du cheikh Tantaoui est susceptible d’avoir de l’écho dans le monde islamique, mais également dans les pays laïques où les mots « burqa » et « niqab » occupent le devant de la scène politico-médiatique, comme dernièrement en France avec la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet, en juin dernier. Pour Bernard Botiveau, les répercussions d’une telle mesure prise en Egypte sont toutefois à relativiser. « L’Egypte est un État islamique, certes, mais il a une longue tradition séculière derrière lui, ce qui le différencie de bon nombre d’États islamiques. Aujourd’hui en Egypte, beaucoup de citoyens ne se reconnaissent pas dans le niqab, et ils peuvent se sentir menacés par ces tenues qui stigmatisent leur religion. Le problème n’est d’ailleurs pas religieux, mais plutôt identitaire.» Un argument régulièrement avancé par les musulmans de France lors des débats sur la burqa.