Grâce aux Editions Joëlle Losfeld, la France découvre – ou redécouvre – l’oeuvre d’Albert Cossery, écrivain égyptien majeur. Avec « Les hommes oubliés de Dieu », Cossery nous entraîne dans les bas-fonds cairotes des années 20.
Les hommes oubliés de Dieu est le premier livre d’Albert Cossery, qui en a écrit sept en un peu plus de cinquante ans. Chacun de ses ouvrages est un véritable petit bijou, travail d’orfèvre sur les mots et la syntaxe, polissage des phrases et expressions choisies. Celui-ci, un recueil de cinq nouvelles parfaitement ciselées, a été publié au Caire en 1927. Un succès immédiat mènera le livre jusqu’en Amérique où Henri Miller se prend de passion pour l’oeuvre de cet écrivain hors normes.
Les hommes oubliés de Dieu, ce sont ces miséreux des quartiers pauvres du Caire, que Cossery connaît comme sa poche. Les personnages hauts en couleurs de l’écrivain évoluent dans des rues aux noms évocateurs : » La rue de la Femme-Enceinte » (ainsi nommée à cause de ses habitantes toujours en état de grossesse), la » ruelle Noire » où » la misère y était posée, sérieuse, et d’une parfaite égalité d’humeur « , le » sentier de l’Enfant-qui-Pisse » où l’on y croise un professeur de mendicité qui distille son savoir à l’école des mendiants.
Deux échappatoires s’offrent à cette population crasseuse. Le sommeil, » primitif, essentiellement vain, sans heurt, sans effort, lourd comme une pierre qui glisse au fond de l’eau « , un sommeil qui permet de tromper sa faim et de quitter ce monde ordurier pour quelques heures. Et le haschich, » seul enchantement véritable dans ce monde de misère « .
Portraits tragi-comiques
La galerie de portraits que nous offre Cossery est croustillante, comme ce Safrout qui veut faire breveter les injures nouvelles qu’il invente quotidiennement ou le cruel gendarme Gohloche au » sourire qui était comme le reflet d’un crachat anonyme « , le facteur qui » avait l’air d’un produit falsifié de l’espèce humaine, une sorte d’inconvenance particulière et très significative » ou bien encore le lettré Gad qui entre deux crises de dysenterie, invente une façon révolutionnaire de mendier.
Ce qu’on pourrait prendre pour de la férocité de la part de l’écrivain, est en fait une immense tendresse pour ces hommes, femmes et enfants, oubliés de Dieu, des nantis et de la civilisation triomphante.
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