Le nouveau gouvernement est décidé à se battre sur plusieurs fronts. Après avoir traqués les Frères musulmans jusqu’à leur dernier retranchement, les hommes du général Al-Sissi se retournent vers la presse étrangère.
Au moment où la tension est encore vive entre le nouveau pouvoir égyptien et les partisans de Mohamed Morsi, le gouvernement change de cible : cette fois-ci, ce sont les médias étrangers qui sont dans le viseur.
Dans un communiqué publié le 17 août, le Service d’information de l’Etat égyptien reproche à certains correspondants étrangers de « s’éloigner de l’objectivité et de la neutralité, et de transmettre à leur public une image déformée des événements dans le pays. L’Egypte ressent une profonde amertume face à la couverture tendancieuse de certains médias occidentaux, favorables aux Frères musulmans, et qui préfèrent ne pas faire la lumière sur la violence et les actes terroristes commis par ce groupe ».
Le communiqué accuse également la presse occidentale de taire le soutien que des étrangers et des djihadistes apportent aux Frères musulmans. Il ajoute que les médias ignorent complètement le fait que ces derniers aient réclamé l’aide d’éléments proches d’Al-Qaida, et affirme que cinq véhicules arborant le drapeau noir des islamistes et équipés d’armes automatiques sont entrés sur la place Ramsès du Caire lors des manifestations pro-Morsi qui s’y sont tenues le 16 août. Le gouvernement reproche aussi à la presse étrangère de n’avoir pas relaté la participation d’éléments non égyptiens venus du Pakistan, de Syrie et de Palestine aux actes de violence perpétrés par les Frères musulmans.
Lors d’une conférence de presse tenue le 18 août, le porte-parole de la Présidence égyptienne, Moustapha Hegazy, a démarré son allocution par quelques réflexions en anglais. De toute évidence, son message était destiné aux médias étrangers. Selon lui, les Egyptiens étaient blessés, car la presse internationale a fermé les yeux sur les rapports faisant état des partisans des Frères musulmans qui auraient tué des soldats, brûlé des églises et se soient servis de femmes et d’enfants comme boucliers humains. Sans oublier de préciser que les évènements sont une guerre contre le terrorisme et que « l’Egypte défendra sa souveraineté ».
Chose curieuse, ces remarques à l’égard de la presse étrangère coïncident avec la multiplication des agressions contre les journalistes qui couvrent les événements en Egypte. Patrick Kingsley, du Guardian, Abigail Hauslohner, du Washington Post, Alastair Beach de The Independent, Matt Bradley du Wall Street Journal, et Nancy Youssef de McClatchy, ont tous été pris à partie par les forces de sécurité égyptiennes ou des civils durant ces derniers jours. Sans compter que le journaliste brésilien Hugo Bachega a été interpellé, alors qu’il couvrait les manifestations le 16 août. De même que le réalisateur John Greyson et le médecin urgentiste Tarek Loubani, tous deux Canadiens. Pour le moment, aucune nouvelle d’eux.