L’Egypte tient mordicus à son monopole sur le Nil. Les négociations entre les dix pays de l’Initiative du bassin du Nil (NBI), tenues mardi à Char Al-Cheikh, ont buté sur le refus du Caire d’un nouveau plan de partage de l’eau du fleuve. L’Égypte dispose, en vertu d’un accord conclu avec la Grande-Bretagne en 1929, de la moitié du débit du Nil. Un privilège qu’elle entend préserver coûte que coûte.
L’Égypte ne veut absolument pas entendre parler d’un nouveau plan de partage de l’eau avec les autres pays riverains du Nil. Les négociations entre les dix pays de l’Initiative du bassin du Nil (NBI), dont les ministres en charge de l’eau étaient réunis mardi dans la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh, ont mis au jour les profondes divisions qui minent les relations entre les États de l’aval et ceux de l’amont du fleuve.
L’Égypte rejette un accord-cadre qui remet en cause son monopole sur le Nil, et que le NBI avait peaufiné lors de le réunion de mai 2009 à Kinshasa. Le ministre égyptien de l’Eau et de l’Irrigation, Mohammed Nasreddin Allam, a d’ailleurs annoncé la couleur avant même le début des discussions en affirmant que son pays n’entendait rien céder sur son quota de 55,5 milliards de mètres cubes d’eau par an, une part qui représente la moitié du débit du Nil. Le Caire exige entre autres de disposer d’un droit de veto sur tout nouveau projet d’irrigation émanant des autres États ainsi que l’application du principe d’unanimité dans les prises de décision, sinon son «droit historique» sur le Nil se verrait menacé.
Une affaire de sécurité nationale
L’Egypte s’agrippe en fait à un accord conclu avec la Grande-Bretagne en 1929 au nom de ses colonies d’Afrique de l’Est, et à un autre passé avec le Soudan en 1959 et qui fixe la part de ce dernier à 18 milliards de mètres cubes des eaux du fleuve. Depuis des années, les huit autres pays du NBI réclament sans succès un partage plus équitable. La situation semble vouée à l’impasse. Au terme de 14 heures de discussions houleuses, les représentants du Burundi, de la République démocratique du Congo, de l’Ethiopie, du Kenya, du Rwanda, de la Tanzanie et de l’Ouganda ont annoncé qu’ils allaient procéder à la signature de l’accord-cadre d’ici le mois de mai, même si l’Égypte et le Soudan refusent d’y adhérer.
Hani Raslan, directeur de la unité Soudan et Bassin du Nil au Centre des études stratégiques d’Al-Ahram, estime, sur la radio hollandaise RNW, que «les pays de l’amont ne devraient pas reprocher à l’Égypte son monopole sur le Nil car le fleuve représente 95% des ressources hydrauliques du pays» alors que les autres régions riveraines «disposent de pluies abondantes qui leur suffisent amplement». L’Égypte refuse également toute idée d’arbitrage international sur la question. «Nous disposons de cartes diplomatiques, juridiques et beaucoup d’autres moyens pour faire valoir notre droit. Et nous ferons tout ce qui est en notre pourvoir pour défendre nos intérêts ainsi que notre sécurité nationale», menace Hani Raslan. Le Nil est une affaire plus que sérieuse pour l’Égypte. En 1979, le président Anwar Sadate avait déjà prévenu : «l’eau est le seul mobile qui pourrait conduire l’Égypte à entrer de nouveau en guerre. »